Eh ben, il vaut mieux se pincer le nez pour lire certains commentaires de ce thread, parce que partir de
L'Aube Rouge pour réhabiliter des criminels de guerre notoires comme Stepan Bandera, qui a fait massacrer 60 000 Polonais et des milliers de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale... Et le film de Milius serait
"malsain" après avoir lu ça !

Bref, enfin vu ce film. Alors que John Milius m'avait beaucoup déçu avec
Le vol de l'Intruder (superproduction révisionniste et basse du front où surnagent Willem Dafoe et Danny Glover et où Rosanna Arquette fait de la figuration décorative), j'ai été scotché par ce film à l'ambiance crépusculaire et très pessimiste. Je m'attendais plutôt à le trouver dans "le club des cinéphiles" et non pas dans les "on s'est fait avoir" comme "gros navet", m'enfin. Je suis complètement d'accord avec les derniers commentaires et l'avis du Patron. Ce film est un chef-d'œuvre !
Bien sûr, comme tous les films de politique-fiction très ancrés dans leur époque, il y a plein de trucs qui ont mal vieilli, et on sent bien l'esprit isolationniste de Milius et du belliciste Alexander Haig (coproducteur et ancien chef des armées sous Nixon) qui a parait-il un peu dénaturé le premier scénario de Kevin Reynolds (qui a tenté sans succès de faire retirer son nom du générique). Dès le carton d'intro, on apprend que la "Théorie des dominos" s'est réalisée, Powers Boothe explique que les USA sont seuls face à l'alliance Cuba/URSS/Nicaragua, que tous les Européens à part les Angliches se sont aplatis devant les Soviétiques, et à part ça seuls les Chinois se battent contre les Russes aux côtés des Américains. C'est sûr, ça fait sourire vu d'aujourd'hui.
Mais si on accepte le postulat de départ, le film est un drame de guerre qui prend aux tripes et aborde le thème de la résistance de façon réaliste et plutôt nuancé, là où
Invasion USA était une pantalonnade crétine. Il y a suffisamment d'interrogations chez les méchants (l'officier cubain qui écrit une lettre à sa femme lui annonçant qu'il va démissionner et qui épargne les héros, mais aussi l'officier russe joué par William Smith qui ordonne de cesser les exécutions d'otages parce que c'est contre-productif et qu'il faut plutôt conquérir "le cœur et l'esprit" tout en se concentrant sur la traque de la guérilla) comme chez les gentils (Powers Boothe est hyper-désabusé, Patrick Swayze finit par douter, Charlie Sheen veut abandonner mais reste loyal envers son frère, C. Thomas Howell est rongé par la haine, Lea Thompson s'enferme dans le mutisme...), et ça finit mal pour pratiquement tout le monde (la mort de Jennifer Grey et celles des deux frères sont poignantes et sans pathos). Très bon travail sur la photographie et musique géniale de Poledouris. John Milius l'a toujours présenté comme un film antiguerre et vue l'ambiance très sombre qui se dégage de tout le métrage, il y a sans doute une part de sincérité, même si le point de vue reste très américain (John Milius fait vraiment une fixette sur Theodore Roosevelt) et le postulat très reaganien.
Une œuvre, certes fantaisiste même à l'époque (jamais l'URSS n'aurait pu envisager d'envahir les USA au milieu des années 80, et Cuba n'en parlons pas), à laquelle la chute du bloc communiste a certainement fait prendre un gros coup de vieux sur le fond (quoique étant donné le contexte géopolitique actuel, on pourrait adapter la même histoire en changeant juste quelques trucs) mais sur la forme, rien à redire. John Milius a bien trop de talent pour sombrer dans le nanar. Et ce que vivent les adolescents du film fait écho à ce que vivent les Ukrainiens à l'heure actuelle.