Perdus dans l’Espace
PERDUS DANS L'ESPACE
Lost In Space
1998
Réalisateur: Stephen Hopkins
Acteurs : Gary Oldman, William Hurt, Matt Leblanc, Mimi Rogers, Heather Graham
L’accouplement inopiné entre le cinéma et le marketing n’est pas sans engendrer parfois quelques tares. Les réalisateurs et les producteurs, plus préoccupés par une logique plus mercantiliste qu’artistique ne se rendent pas forcément compte de l’infâme bouse qu’il ont crée. Perdus dans l’espace est ce qu’on pourrait appeler un mélange hybride entre les affres d’une SF de mauvaise augure et la stratégie marketing d’un marchand de lessive. Le but du film étant de coller le plus possible à la « cible » intéressée.
Juste de quoi titiller les sens du narnardeur, pensant trouver-là peut-être une nouvelle pépite contemporaine, qui certes ne casserait pas le diamant (aaaah White Fire !), mais qui proposerait quand même un doux spectacle de débilité profonde.
Cependant, ne vous faites pas d’illusions, car Perdus dans l’Espace possède tous les symptômes d’un navet, d’un film insipide et fade, sans aucun intérêt. Le tout desservi par une morale pompeuse sur le respect des valeurs familiales.
Nous sommes en 2050, les ressources de la terre commencent à s’épuiser et l’humanité est vouée à mourir dans sa petite prison bleue. Afin de sauver le monde, Le Professeur Robinson (William Hurt) s’est porté volontaire avec sa famille pour ouvrir un tunnel spatio-temporel sur Alpha Prime, situé à 10 années lumière de la terre. Seulement voilà, la mission qui s’annonçait si paisible se retrouve bouleversée par un sabotage fomenté par des méchants…
Un scénario somme toute assez basique, mais il semblerait que Stephen Hopkins ait été plus intéressé par le festival d’images de synthèse que par la narration et les autres détails pourtant si précieux à la réalisation d’un film. Oui c’est vrai le spectateur s’en prend plein la gueule tout au long du film, par une avalanche d’effets spéciaux de facture correcte. Mais on s’arrête là, car tous les autres aspects de Perdus dans l’espace demeurent sous la constellation de la médiocrité.
Des acteurs insipides au possible
Commençons par les acteurs et les personnages si vous le voulez bien. L’essentiel du casting étant composé de la famille Robinson. Car la famille Robinson, c’est un peu le symbole des pionniers américains, soudés par des valeurs patriarcales et claniques, à la limite du réac. Le film est l’occasion de présenter le schéma sévèrement pyramidal du clan. Donc dans la famille Robinson je voudrais :
- Le père, joué par William Hurt, le vénéré patriarche barbu de la famille : Justice, fermeté le caractérise.
- La mère, le deuxième pilier du clan Robinson, ce personnage passe complètement inaperçu tout au long du film. Il s’agit d’un personnage secondaire dont l ‘apparition et la prestation sont voués à l’oubli. Ce n‘est qu’une femelle après tout…
- Will, Le fils âgé de 10 ans. Alors là, nous touchons à un point sensible. C’est le seul p’tit mâle de la tribu, donc l’unique géniteur de la race des Robinson. Il aura un rôle tout à fait privilégié dans la narration et se retrouve omniprésent pratiquement dans tous les rebondissements du film. Sa relation avec sa famille et tout particulièrement son père formera le ciment d’une morale sur les valeurs claniques américaines.
- La fille cadette. Prototype même de la fille révoltée et faussement rebelle. Normal après tout pour une ado. C’est un petit bout de femme anoréxique, et qui glousse comme une dinde shootée à l’hélium à chacune de ses maigres répliques. Mention spéciale à la VF !
- La fille aînée, toute fraîchement sortie de l’adolescence, elle à l’âge d’être féconde, de se marier pour perpétuer la race des Robinson.
- Le petit ami de la fille aînée, joué avec platitude par Matt LeBlanc. Il n’est pas encore marié avec la fille, donc il ne fait pas encore partie du clan. Nous le verrons par la suite, c’est lui qui effectuera les tâches les plus ingrates pour prouver sa fidélité envers ses futurs proches. Je dirais que sa vie se situe dans un échelon hiérarchiquement inférieur.
- Et enfin l’infâme docteur Smith qui a saboté la mission, interprété par Gary Oldman, plus présent sur la pellicule pour cachetoner que pour démontrer ses talents d’acteur. C’est l’incorrigible méchant, incarnation du mal absolu qui n’hésitera pas à prendre le dessus même quand il se trouve dans la même galère que les autres. Il ne sert que de faire-valoir aux Robinson soudés par tant de valeurs et de solidarité, c’est beau… D’ailleurs, il dira devant des cocons, son pressentiment devant une menace. « Croyez-moi, le mal reconnaît le mal. » dit-il. Le pauvre acteur est engoncé dans la caricature du méchant la plus basique et la plus primaire.
Vous l’aurez compris, les personnages ne représentent que d’infâmes stéréotypes et les acteurs ont plus que du mal à sortir du carcan rigide défini par des scénaristes sans aucune fantaisie omnubilés par la morale qu’ils veulent nous asséner. Globalement, le jeu est fade, parfois ennuyeux à mourir. L’interprétation des acteurs est trop mauvaise pour être potable mais d’un autre côté, elle n’atteint pas le niveau de cabotinage foireux requis pour accéder au rang des rôles nanars.
Un scénario époustouflant et un esthétisme de bon goût!
Donc notre petite famille chérie s’embarque à bord du vaisseau prête au décollage. Seulement voilà, Gary Oldman, le vilain, s’infiltre à bord de l’astronef et sabote l’hyperespace. Manque de bol pour lui, il se ramasse un coup de jus électrique qui l’assomme temporairement. Juste le temps du décollage, et le voilà transformé en passager clandestin contre son gré. C’est ballot !
Pendant ce temps, les Robinson s’apprêtent à être cryogénisés. On a le droit à une scène touchante où les membres se souhaitent bonne nuit. Matt LeBlanc lui, n’aura droit au dodo que bien plus tard. En effet, c’est lui qui doit enclencher l’hyperespace pendant que notre petite famille roupille tranquillement. Un sous-fifre vous dis-je… Tout se passe comme prévu et le fiancé part aller se pieuter, quand Gary Oldman, en indécrottable méchant programme un robot pour détruire la famille Robinson. Dieu merci ils s’en sortiront. Arrêtons-nous deux secondes sur ce robot : RINGARD ! Inspiré de la SF des fifties, on dirait qu’il a été dessiné par Matt Groening pour fururama ! Avec son armature argentée et ses lignes dignes d’une Chevrolet 1955, il répète les ordres qu’on lui a donné avec une voix entêtante. « Tuer la famille Robinson - Tuer la famille Robinson ». D’ailleurs tout l’esthétisme du film se construit autour d’un hommage à la SF ringarde (Hommage à la précédente série, Lost in space...). Peut-être les réalisateurs avaient-ils jugé bon d’innover graphiquement tout en s’inscrivant dans un style volontairement désuet. Mais le mélange entre design fifties et technologie high-tech de 1998 scied mal à l’esthétique du film. Décors aseptisés et peu crédibles s’apparentant plutôt à un plateau de télé réalité avec des couleurs tutti frutti. (Au moins Matt Leblanc n’est pas dépaysé par rapport aux décors de Friends…). Le vaisseau des Robinson, fausse soucoupe spatiale, pique un peu les yeux du spectateur affligé. Il faut voir les acteurs, boudinés dans leur combinaison moulante, mariage entre une armure de centurion romain et une combinaison de plongeur.
On peut le dire, Perdu dans l’espace offre un vrai festival de mochetés faussement novatrices mais véritablement ringardes. Clou du spectacle : la petite créature rougeâtre en images de synthèse très cheap que nos aventuriers trouvent dans un vaisseau spatial abandonné. Complètement inutile, elle s’accroche à la fille cadette et est censée attribuer une touche d’humour à la narration. Les responsables du film ont sans doute préféré glisser cette peluche virtuelle histoire d’appâter le jeune public et d’en faire des produits dérivés par la suite histoire de se faire quelques Louis d’Or en plus. Malheureusement, cet ersatz marketing est tout bonnement effrayant avec ses paupières qui se ferment verticalement et ses traits de singe extra-terrestre dégénéré.
Dès le milieu du film, le scénario s’enfonce la médiocrité la plus exhaustive. Et le spectateur s’ennuie à mourir : l’astronef s’écrase sur une planète montagneuse, habitée par une bulle spatio-temporelle qui peut laisser présager l’avenir… Je n’en dis pas plus. Tout le scénario n’est qu’un prétexte pour montrer les valeurs familiales, tous les rebondissements de la narration ne sont construits que pour montrer le code de bonne conduite d’une tribut familiale heureuse.
Autant dire que Perdus dans l’espace est un patchwork de clichetons tous plus débiles les uns que les autres. Je retiens particulièrement la scène où le gamin apprend au robot à devenir humain. Pour cela il enregistre sur son disque dur tous les événements et les passions de sa vie qui s’affichent en hologrammes simplistes : base-ball, chien, famille etc… Puis il lui assène une leçon sirupeuse et complètement formatée sur les valeurs de l’amitié. On reconnaît là une habitude du marketing qui vise constamment à classer les individus en groupes homogènes reliés par des clichés communs. Le film en témoigne : les bons enfants américains doivent aimer le base-ball, qui est nécessairement un élément primordial dans leur vie. Autre moment fort, quand le fils se tue pour empêcher une créature d’accomplir son forfait, le père entonne cette phrase comme le Christ prêche une parole divine « Il n’a pas hésité à se sacrifier pour sa famille ». Le spectateur s’enfonce dans le ventre de son fauteuil, abasourdi par tant de stéréotypes et par une morale limite réac’.
Voilà un véritable navet qui égayera les soirées mornes des dépressifs chroniques. Un film qui ne vaut même pas la peine de siéger au panthéon de nanarland, même si certaines scènes font agréablement sourire par leur degré de connerie. En bref, Perdus dans l’espace est comparable à Orangina : toute la pulpe nanarde décante dans le fond, le reste étant du jus de navet insipide. Il faut secouer pour que l’on jouisse de maigres secousses nanardes de magnitude 1 sur 5. Une broutille.
Voilà bien la tragédie des navets. Le cul entre deux chaises, celle du film potable et celle du nanar, ils ne suscitent aucun intérêt. Ni pour les cinéphiles, ni pour les nanardeurs invétérés.