Forum Nanarland.com

Titres alternatifs (entre autres) : Greta la tortionnaire / Le pénitencier des femmes perverse

L’histoire développée n’a que très peu d’originalité : une femme se fait passer pour une détraquée afin d’infiltrer une clinique spécialisée dans le traitement des perversions sexuelles féminines. Elle compte ainsi retrouver sa sœur qui y a été internée et qui ne donne plus de signes de vie. La nouvelle « malade » fera alors la connaissance de Elga del Pino (ou Ilsa selon les versions), la redoutable directrice, et de n° 10, pensionnaire lesbienne sado-maso et scatophile. Après différents rebondissements et différentes expositions de viols et sévices, la directrice tombera face à une révolte menée par n° 10 et se fera littéralement dévorée par les prisonnières.

Cet épisode pirate de la saga des Ilsa verse dans un crapoteux parfois difficilement soutenable (l'héroïne doit lécher l'anus de Lina Romay qui vient d'avoir la diarrhée ; un viol collectif par des bagnards repoussants de prisonnières dont une est atteinte de paralysie faciale ; les prisonnières accumulent les yeux crevés / visages brulés / tétons coupés / cicatrices diverses et variées...).

Tourné à la même époque que "Sadomania", ce faux-vrai "Ilsa" est nettement plus crasseux et moins sympathique (je reconnais que traiter "Sadomania" de sympathique est un peu excessif). En effet, en reprenant la franchise de Don Edmonds, on a l'impression que Franco a voulu lui ôter tout délire dans la description des sévices infligés à ces pauvres prisonnières (voir "Ilsa la chienne du harem" et sa gode-machine explosive). En effet, tout ici est laid et semble avoir été réalisé pour exciter des fans de SM hardcore. Ce film peut donc être vu comme une claque pour les amateurs des précédents épisodes : les tortures c'est crade, c'est moche et c'est pas drôle.

Néanmoins, quelques points surnagent dans ce film-épreuve.
La confrontation entre les deux reines du cinéma bis que sont Diane Thorne et Lina Romay. Si la première reprend avec délectation son rôle fétiche, alternant sourires naïfs et enjôleurs et déferlement de violence érotique, la seconde, interprète de n° 10, ne démérite pas en interprétant convenablement une prisonnière perverse passant de la collaboration amoureuse avec Ilsa à la fureur de se voir trahie.

Il faut également signaler un plan comme seul Franco peut en avoir parfois l’intuition : dans un bar, un gardien de prison ripoux et son commanditaire, vraisemblablement américain, en films pornos clandestins discutent d’une nouvelle commande de snuff. Les deux hommes sont filmés par l’intermédiaire de leur reflet sur un miroir publicitaire. Soudain leur image se floute mais leur discussion continue. On se dit alors que Jésus Franco n’a toujours pas fait réparer sa caméra. Et soudain on comprend : sur le miroir se détache une publicité pour Coca-Cola, longuement filmée. La caméra monte alors un peu plus sur le mur et on arrive sur le portrait du dictateur local, le tout toujours sur fond de discussion sur les snuff movies qu’il est possible de tourner en prison. La boucle est bouclée. Les USA-Coca-Cola soutiennent les dictateurs sud-américains qui ferment les yeux sur les turpitudes de leurs geôles. Les films tournés à cette occasion sont alors exportés vers les USA. Que l’on adhère ou pas à cette idée, il faut avouer que ce plan de Franco, extrêmement simple, est sacrément bien amené et surprend au sein d’un tel film. Il paraît en tout cas difficile d’imaginer qu’il s’agisse d’un placement de produit pour Coca-Cola.

Enfin, le dénouement du film est très pervers et désabusé. Si Ilsa / Elga a une fois de plus le dessous face une révolte de prisonnières, celles-ci ne sont néanmoins pas les grandes gagnantes. En effet, leur festin cannibale des formes généreuses de Diane Thorne est filmé en cachette par le gardien ripoux cité plus haut. Dans notre monde tout est donc recyclable, y compris l’image de la révolte qui servira à exciter l’œil de quelques dégénérés (auxquels, en tant que téléspectateurs du film, nous pouvons nous identifier).

« Ilsa, ultimes perversions », ou quelque soit son titre, n’est donc pas un film aimable. On est loin des délires de « Ilsa la chienne du cheik » et de « Ilsa la tigresse du goulag » (je reconnais ne pas avoir vu « Ilsa la louve des SS »). Néanmoins, on peut estimer que Franco, même coincé par une franchise hyper-balisée, voulait réaliser un film « sérieux ». D’ailleurs, son rôle sérieux de médecin redresseur de torts tranche singulièrement vis-à-vis de celui qu’il tenait dans « Sadomania », un patron de bordel homosexuel se faisant tendrement sodomiser par un fier moustachu à la peau d’ébène. Il s’agirait alors d’une variation sur un même thème.

Ce film n’est donc pas un nanar mais plutôt un WIP (volontairement ?) antipathique qui recèle quelques éléments suffisants à le faire sortir du lot de la production courante de ce type de films.