Je relève juste ce fil pour signaler, à titre historique, une chronique d'époque du Führer en folie. Elle est parue dans le n°179 de "Charlie Hebdo", signée Delfeil De Ton.
Il s'agit, à mon avis, d'un point de vue très politique (assez normal de la part de "Charlie Hebdo") et étonnamment positive, dans la mesure où :
- d'une part, toute la presse (et même le "Parisien libéré", pourtant un sommet de beauferie, surtout en ce temps-là) a éreinté ce pauvre Philippe Clair et son équipe,
- et d'autre part, "Charlie" se permettait, déjà à l'époque, d'éreinter nombre de bons films sous un prétexte futile.
Foin de palabres, voici cet article :
Le Führer en folie, film de Philippe Clair
« Le Führer en folie » ! Avec Henri Tisot et Alice Sapritch ! On se dit qu’on a vraiment atteint le fond. On va voir ça avec une espèce de sadisme. Viens, chérie, allons voir une connerie. Allons sur les Champs pour nous marrer au second degré. « Le Führer en folie », apparemment, ne relève même pas de la critique, même la plus attentive à ne pas louper le moindre produit de l'industrie cinématographique puisque, après tout, elle est payée pour ça. Le film de ringards dans toute sa splendeur. Tisot et Sapritch, les deux plus nullisssimes vedettes « comiques » de notre cher et vieux pays. On va donc voir « Le Führer en folie » pour le mettre à mort.
Surprise ! Divine surprise ! « Le Führer en folie » n'est pas le navet supposé. « Le Führer en folie » vient juste à son heure. « Le Führer en folie », en ces temps de réhabilitation, de compréhension des SS et des gestapistes, en ces temps où les victimes des nazis sont présentées comme les complices de leurs bourreaux, « Le Führer en folie » c'est exactement le film qu'il fallait faire. Tisot, le minable Tisot, lui donner le rôle d'Hitler, c'est exactement ce qui convenait à Hitler. Transformer Eva Braun en Alice Sapritch, c'est exactement ce qu'Eva Braun méritait. On est loin du beau SS de « Portier de nuit » regardant danser sa belle prisonnière aux seins nus. Quel plaisir, dans « Le Führer en folie », de voir ce qu'étaient exactement les SS, vous savez, ces fins mélomanes, ces artistes, qui s'offraient des matinées musicales pour se récréer. Dans « Le Führer en folie », ces pantins grotesques et sanglants chialent comme des veaux en écoutant du Rossini, jusqu'au moment où trois loustics parigots lâchent de la poudre à éternuer. Ah, putain, quel plaisir ça fait ! La néo-propagande pour les corps d'extermination d'élite le prend en plein dans son citron pourri. Il est bien moins con, bien plus drôle que l'affiche ne le laisse présager, le film de Philippe Clair. D'abord, rareté, ça cause presque pas. Presque tous les gags sont visuels. Il en est de fameux : Eva Braun sur le champ de bataille dans son char d'assaut rose bonbon. Eva Braun et Hitler réfugiés en Amérique du Sud. C'est elle qui porte la culotte. Il est devenu Eva Braun, elle est devenue Hitler. Il y a des images baroques, dans ce film, qui valent leur pesant de savon à la graisse humaine. On sort de ce film, on n'a pas mal à la rate, mais on a bien rigolé.
A moins qu'on ne soit allergique au comique non-fin, ce qui n'est pas défendu. A moins qu'on ne préfère, au portrait-charge du fanatisme et de la volonté de puissance, les délicieux frissons du penchement sur les états d'âme de fumiers comme, certes, il y en a toujours eu beaucoup et partout, mais jamais des pires.
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