Sur un site de vente de DVD online, je suis tombé sur ça...
contre-chronique de feu!
Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, l’Histoire du cinéma recèle des injustices plus ou moins dramatiques.
A l’instar d’un Soy Cuba ou d’un Manuscrit trouvé à Saragosse (dont les critiques sont disponibles sur le présent site), il aura fallu attendre que l’acharnement d’un cinéphile (grâce soit rendue à Jean-François Davy) finisse enfin par payer, pour pouvoir découvrir, dans de bonnes conditions, l’un des meilleurs films français de l’après-guerre : l’extraordinaire Vivre pour survivre de Jean-Marie Pallardy. C’est donc dans une fort belle édition DVD (mais à quand une copie 35 mm qui rendrait enfin justice au travail formel de l’auteur ?) que l’on s’apprête à réécrire un chapitre entier du septième art hexagonal.
Dans son très bel ouvrage consacré à Jean-Marie Pallardy (Pallardy ou l’arpenteur de l’infini, éditions Knacki Balls, 1989) Jean Costantin soulignait fort justement la spécificité du cinéma pallardien: "Découvrir Pallardy c’est faire l’expérience ultime, et quasi-mystique, de ce que les utopistes nomment ‘nouveau commencement’. Devant nos yeux ébahis, c’est comme si le cinématographe révélait enfin sa finalité : filmer l’homme tel qu’il est depuis l’origine et appréhender son devenir (…) voir un film de Pallardy, c’est poser un regard de nouveau né sur le monde qui s’offre à nous, dans sa pureté originelle".
Prenant le film d’action comme prétexte, Pallardy investit notre imaginaire et nous permet de redéfinir notre statut de spectateur. Chaque gunfight, chaque cascade, chaque course-poursuite, filmés avec un sens du cadre et de l’espace époustouflants, ne prend sens que dans le réseau mental que le spectateur tisse avec la complicité de l’auteur : "Il s’agit de faire comprendre au spectateur qu’il n’est pas uniquement un récepteur passif, mais aussi un ‘actant’ du geste cinématographique" (Jean Costantin, opus cité). Vivre pour survivre nous convie effectivement à une mise en abyme spectaculaire et spéculaire. Derrière la figure du double, qui donne sa thématique à l’œuvre, Pallardy livre un exemple concret de film d’action cérébral (après tout, la pensée est une forme d’action intérieure ; comme le faisait remarquer Fred Williamson dans une récente interview).
L’histoire de Vivre pour survivre (co-écrite par le plus grand scénariste turc Röbi Barath, ici non crédité pour une sombre affaire de droit) est très simple, limpide même, aussi cristalline que la pierre deleuzienne à laquelle elle fait référence. Mike Donnely et sa sœur gagnent leur vie en traficotant des diamants. Ils étouffent, également, dans l’œuf une relation incestueuse pourtant salvatrice. Confrontés au fameux White Fire (le plus grand et plus dangereux diamant du monde, qui symbolise ici de manière assez évidente, mais jamais didactique, leurs instincts réfrénés) ils ne pourront plus longtemps réprimer ce désir sans en payer le lourd tribut. Mike perd son amour et sa sœur. Les cailloux qu’il jette, par dépit, dans l’eau frissonnante (dans l’une des scènes les plus bouleversantes jamais tournées) sont autant de fragments qui renvoient au diamant diabolique. Pourtant une seconde chance va s’offrir à Mike, en la personne d’Olga, une jeune femme qui ressemble étrangement à sa sœur Ingrid. En bon lecteur de Deleuze, Pallardy et Röbi Barath illustrent brillamment la théorie des cristaux de temps (l’actuel et le virtuel comme deux faces d’une même médaille).
Donner le visage de sa sœur à Olga, c’est faire se rejoindre l’actuel et le virtuel. Le fameux "Dommage que tu sois ma sœur", adressé à celle que Mike aimait, a pour corollaire un "Dommage que tu ne sois pas elle", adressé à celle que Mike aimera, que Pallardy a la décence de taire, mais l’audace de figurer (en sacralisant les gestes des futurs amants, par la grâce de sa caméra caressante). L’explosion finale du White Fire (séquence que John McTiernan a dû visionner plus d’une fois… comprenne qui pourra !) accomplit donc le programme de ce couple incestueux. Le tabou a explosé, l’amour peut être consommé.
Au-delà de ce courageux et vibrant plaidoyer pour l’inceste, Pallardy pose, dans son film, les jalons d’un "world cinéma" engagé. Tourné en Turquie, avec des acteurs locaux mais aussi des acteurs américains méprisés par Hollywood (magnifique Robert Guinty à la mirifique chevelure poivrée, et au charisme proche d’un Steeve McQueen, bien que de physique très "walkenien") et des techniciens européens, Vivre pour survivre voulait contrer l’uniformité qui régnait alors dans le film d’action américain, et lui opposer une vision rousseauiste des choses. Cela explique d’ailleurs la campagne calomniatrice que le film essuya, avant d’être rangé au placard par des technocrates zélés du septième art.
Vous comprendrez donc aisément l’importance de réhabiliter une telle œuvre, sommet incandescent de la carrière d’un immense artiste méconnu (Les géniaux et révolutionnaires Overdose et Le ricain, sur lesquels nous reviendrons prochainement au cours d’une semaine Pallardy, ont d’ailleurs été honteusement pillés par le Tarantino de Jackie Brown et le Eastwood d’Un Monde parfait).
Qu’on se le dise : Vivre pour survivre est le genre de diamant qui donnera toute sa valeur à votre cinéphilie
============
J'en perds mon français
TARANTINO a plagié PALLARDY et puis quoi encore?
A noter qd meme white fire a un co-réalisateur turc, on comprend mieux...
Sans autre commentaire.