SANGRAAL
(Sangraal, la spada di fuoco / Barbarian master / Sword of the barbarians)
Ho, un film d’heroic-fantasy italien fauché ! Chouette alors, je vais pouvoir mater des combats foireux avec des culturistes huilés et des amazones en peaux de bêtes. Gagné, c’est exactement ça. Mais alors, c’est pauvre. Exceptionnellement pauvre. Quelque chose comme le quart monde du bis, une sorte de Conan le barbare smicard. Si ça se trouve, le budget n’était même pas si misérable que ça, mais le film donne cette impression. Torché par Michele Massimo Tarantini, plutôt spécialisé dans les sexy comédies («La Flic chez les poulets », «La Baigneuse fait des vagues »…), ce «Sangraal » tente d’avoir l’allure d’un spectacle sauvage et somptueux, comme le Conan de John Milius, mais échoue misérablement sur toute la ligne, pour ne donner au final qu’une misérable pochade. Bien que probablement plus riche que « Thor le guerrier », « Sangraal » réussit l’exploit de paraître encore plus minable que cet ersatz pourtant tourné avec trois figurants dans un sous-bois. Ici, nous avons dix figurants qui se coursent sur une colline verdoyante, mais l’impression dominante est d’assister à un jeu de rôle du comité d’entreprise d’une société italienne douteuse.
L’histoire, c’est du velours : Sangraal est le fier roi d’un humble peuple itinérant. Mais sa pacifique tribu est attaquée par une bande d’affreux barbares aux ordres d’une belliqueuse Déesse. Ayant assisté, prisonnier et impuissant, au massacre de ses gens, Sangraal va tout mettre en œuvre pour se venger et mettre fin aux exactions du chef des malandrins qui terrorisent la région.
Le héros et ses copains.
Ze bad guy.
La méchante déesse du feu.
Sangraal, c’est Peter McCoy. Et Peter McCoy, c’est Pietro Torrisi, un bodybuilder italien incroyablement bien conservé pour les 43 ans qu’il affichait au compteur à l’époque du tournage. De quoi vous convaincre de vous mettre au culturisme ! C’est d’ailleurs là sa principale qualité car le bon Pietro, s’il n’est pas le pire acteur du bis italien (ni même du film), ne brille pas vraiment par des dons d’acteurs qui le rendent globalement plus proche du vigile de boîte de nuit que du héros d’épopée légendaire. Le succès d’Arnold Schwarzenegger aura sans doute fait croire à toutes les vedettes du culturisme qu’elles pouvaient crever l’écran.
Michele Massimo Tarantini aggrave son cas en le filmant le plus possible en contre-plongée, la vision régulière de ses grosses cuisses roses et luisantes, hypertrophiées par la prise de vue rappelant irrésistiblement une paire de porcelets amenés sur l’étal.
Si Pietro Torrisi n’est pas bien traité par la mise en scène, on peut en dire autant des autres acteurs, et même des figurants, qui, suivant le syndrome « Ator », se voient affublés de costumes et coiffures de carnaval tous droits sortis d’une parodie des Monty Python. Le méchant en est la principale victime, qui porte régulièrement de sublimes casques à ailettes que n’eût pas reniés Astérix le gaulois.
Au cours de sa quête de vengeance, Sangraal est accompagné d’une potiche et d’un sidekick samouraï interprété par Hal Yamanouchi, éternel japonais du bis italien (« Le Gladiateur du futur », « Sinbad », etc.). Après moult périls et affrontements avec des mutants peinturlurés, notre héros parvient à la caverne gardée par une Déesse interprétée par Sabrina Siani, et doit franchir l’ultime épreuve, qui consiste à se faire griffer le poitrail par les ongles en plastique de Sabrina.
Ayant réussi à subir ce supplice sans dire «ouille », Sangraal obtient le droit de posséder l’arme absolue, qui se révèle être…une arbalète géante, totalement inutilisable et qui ne lui servira strictement à RIEN pour affronter le méchant ! Soyons honnêtes, il en aura l’usage à la toute fin du film pour une tâche bien précise, mais pour l’essentiel, il se retrouve à trimbaler un machin de la taille d’un petit tronc d’arbre, qui l’encombre plus qu’autre chose. Merci, les Dieux ! La prochaine fois, on se fournira chez un armurier, et vos armes absolues, vous pourrez les garder !
Combat anémiques et duels lamentables font le miel de l’amateur de bisseries ritales dans un film qui, s’il manque parfois un peu de rythme, n’en est pas moins un très sympathique réservoir à ringardises. On citera pour la bonne bouche le combat final opposant Sangraal au méchant, et réalisé sur le modèle des duels à mort vikings, où les deux adversaires sont attachés l’un à l’autre par une corde. Sauf qu’ici, Sangraal et son adversaire serrent la corde entre leurs dents. Un historien des duels m’apprendra peut-être que cette coutume existait bel et bien, mais il n’empêche que le résultat est grotesque.
Sans être le top du maximum de l’heroic-fantasy italienne, « Sangraal » possède suffisamment de ressort pour être un nanar fort agréable, à force de ringardise et de misère budgétaire même pas compensée par une quelconque imagination. On regrettera simplement la trop brève présence de Sabrina Siani, tout en se consolant par la mirifique prestation de Peter/Pietro McCoy/Torrisi, sympathique version transalpine de Schwarzenegger, qui réussi malgré tout à rendre son personnage attachant à force de regards de chien battu. Encore un héros ringard qui porte fièrement le drapeau du nanar spaghetti !
SANGRAAL
Année : 1983
Pays : Italie
Réalisation : Michael E.Lemick (Michele Massimo Tarantini)
Durée : 1h23
Genre : Conneau le baba
Catégorie : Heroic-fantasy
Avec : Peter McCoy (Pietro Torrisi), Yvonne Fraschetti, Mario Novelli, Hal Yamanouchi, Sabrina Siani
Nikita : 2,25
Cote de rareté : 5 (pièce de collection)
Edité en VHS chez «Canal Vidéo », le film n’a pas encore eu les honneurs d’un DVD en France…ni ailleurs, apparemment ! Voilà un film bien oublié qui attend sa redécouverte.
