Suite aux remarques de Nikita, j'ai corrigé ma chronique de Golden Ninja Warrior. Voici la nouvelle version (avec des caps en bonus).
Golden Ninja Warrior de Joseph Lai (1986) ou alors de Godfrey Ho qui en a au moins tourné des bouts.
Acteurs : Donald Owen, Queenie Lang, Richard Harrison (qui ne fait que passer)
(Le réalisateur du film étant incertain, par commodité dans la chronique on supposera qu'il s'agit de Godfrey Ho en attendant de plus amples informations).
Dès la première scène de Golden Ninja Warrior, on sait qu'on a affaire à un nanar qui saura tenir son rang puisqu'on voit Richard Harrison en ninja se battre avec un autre ninja dans des plans tirés tout droit du duel final de Ninja Terminator. Ceux qui ont vu ce film pourront d'ailleurs s'amuser à repérer dans quel ordre les images ont été remontées. Cette scène est absolument sans rapport avec le reste du film, Richard Harrison n'apparaissant plus jamais en dehors de ces deux minutes ce qui suggère que Godfrey Ho a utilisé sa technique habituelle du copié-collé approximatif. Clin d'oeil pour les habitués du nanar ninja, Richard arbore pour ce caméo l'increvable treillis ninja kaki que l'on retrouve dans une bonne dizaine de films de Godfrey Ho.
On apprend dès cette introduction le pouvoir majeur des ninjas, celui qui les sépare de nous autres, pauvres mortels : l'accéléré. En effet, durant tout le film, dès qu'il y aura un demi bout d'orteil de ninja dans un coin de l'écran, le film sera diffusé en accéléré, même si le ninja se contente de sonner à la porte ce qui donne l'impression tenace d'être devant Benny Hill.
Le scénario est à la fois très simple et très compliqué. Au début, un speech en voix-off nous explique la légende d'une mystérieuse statuette ninja qui donne à son possesseur de grands pouvoirs. Il s'agit en réalité de la statuette de Ninja Terminator dont Golden Ninja Warrior se présente plus ou moins comme la suite et on comprend alors que le film va reposer sur l'affrontement entre deux clans ninjas dont l'un cherche à s'approprier la statuette détenue par l'autre. Sauf que non, parce que parallèlement l'héroïne du film est une ninja dont le père a été tué par le clan rival et qui veut le venger. L'histoire de la statuette reste au second plan pendant tout le film, il n'y est fait référence qu'une fois de temps en temps. Pour combler les trous (à ce niveau on devrait plutôt parler de Grands Canyons) dans son scénario, le réalisateur use de procédés à la limite de la mauvaise foi. Du mauvais côté de la limite (n'oublions pas que Bruce Baron lui-même a qualifié Godfrey Ho "d'artiste de l'arnaque"). C'est ainsi que lors d'une scène mémorable, un journaliste et son patron s'interrogent sur les raisons qui ont pu pousser l'héroïne (par ailleurs mannequin) à venir au Japon.
Patron (sans aucune raison) : "Je suis sûr que cela est lié à l'affaire Simon Lee [le père assassiné]"
Journaliste : "Mais en quoi ces deux affaires sont-elles liées ? J'y suis ! Elle doit être la fille de Simon Lee !"
Patron : "Mais il n'avait pas d'enfant"
Journaliste : "Pas d'enfant légitime, mais il a eu beaucoup de maîtresses"
Ou bien ces mecs ont des dons de perception extra-sensorielle, ou bien ils sont plus futés que Sherlock Holmes.
Si les dialogues sont particulièrement croustillants (et les doublages tout simplement fantastiques), la nanardise du film vient avant tout des combats ninjas. Les ninjas ici ont en effet une fâcheuse tendance à revêtir leur costume sans prévenir et à l'enlever de la même manière (même pas de nuages de fumée ni rien, juste un plan c'est une fille qui culbute les mechants puis sur le plan suivant c'est un ninja). Ce phénomène m'a laissé perplexe pendant trois bons quarts d'heure où je ne comprenais pas d'où diable sortaient ces ninjas. Après une étude attentive et grâce au coup d'oeil de Nikita, j'ai fini par résoudre ce mystère : en réalité les plans avec les ninjas n'ont pas été tournés en même temps que le reste, ils ont été rajoutés ensuite par Godfrey Ho qui décidément n'a pas fini de nous surprendre. Le montage à la tronçonneuse fait presque illusion ici car les plans ninjas sont très courts et tournés sur les mêmes lieux. Seul un oeil exercé repèrera les discontinuités dans le placement des personnages, les costumes et les têtes des méchants castagnés. Toutefois, une fois qu'on a compris, impossible de ne pas rire devant cette pitoyable tentative d'insérer des ninjas dans un film où finalement ils n'ont pas grand chose à faire.
Il faut signaler aussi une particularité de Golden Ninja Warrior qui le distingue des autres films de ninjas : ses scènes comiques. Je ne sais même pas par où commencer pour vous décrire ça, ça dépasse l'imagination. L'homme à abattre en particulier, c'est lui :
Ses blagues sont aussi fines que le pire des Charlots et bien sûr il cabotine tellement qu'il ferait passer Titoff pour un acteur sobre et intimiste.
Mais le point culminant du film, c'est sans conteste cette scène extraordinaire où la méchante ninja tend un piège à la gentille. Pendant l'embuscade, elle lui lance des couteaux. L'image passe alors en vue subjective avec le couteau collé à la caméra par le manche et on voit l'héroïne s'enfuir en tentant de semer ce redoutable couteau à tête chercheuse mais rien n'y fait et bien qu'elle change plusieurs fois de direction durant sa course, le couteau continue à la suivre à la trace. Elle sera sauvée par l'irruption d'un autre ninja de son clan (Donald Owen, en civil) qui interceptera le couteau en lançant son agenda dessus, la collision des deux objets provoquant alors l'explosion de l'agenda.
Un certain nombre de détails dont certains déjà cité (Richard Harrison) m'ont fait penser que Golden Ninja Warrior était un assemblage incertain d'un film de Hong-Kong et de scènes a priori sans rapport tournées avec des acteurs européens. Toutefois, la méthode utilisée ici est plus subtile que dans la plupart des autres Godfrey Ho car le réalisateur a évité de greffer des scènes entières sur la trame principale. On trouve plutôt ici des "petites touches" ninjas rajoutées pendant les combats ainsi que des dialogues refaits à la post-synchronisation pour introduire des références à la statue d'or et à la guerre des clans ninjas.
Je signale enfin que le film comprend deux scènes vulgaires et gratuites, l'une de torture et l'autre de viol qui (bien qu'assez ridicules) n'ont selon moi pas leur place dans un vrai film de ninja.
Ajouté à un rythme irrégulier (hélas c'est souvent le cas avec Godfrey Ho, les apothéoses nanardes enchaînent avec des scènes plates et molles), ça contribue d'ailleurs à faire baisser la note à 2/5