« Dracula au Pakistan » (aka
Zinda Laash, 1967)
Difficile de garder le silence sur un tel sujet : la rencontre de notre suceur de sang préféré et de Lollywood. Tout est résumé dans le titre de la version française : une adaptation somme toute fidèle du roman de Bram Stocker, dont l'action est transposée dans le Pakistan des années 60, assaisonnée des ingrédients indispensables à ce genre de productions : des chants et des danses. Le squeele moyen s'en trouverait titillé à moins, convenons-en.
L'affaire tient-elles les promesses d'une idée aussi loufoque?
En partie, oui, et de grands moments sont garantis. Premier motif de réjouissance, l'acteur qui incarne Dracula (renommé Professeur Tabani) étonne de look-alikitude avec Christopher Lee, en plus corpulent. Quitte à refroidir tout de suite les esprits, non, Dracula ne pousse pas de lui-même la chansonnette. Mais lorsque l'équivalent pakistanais de Jonathan Harker découvre éberlué la première vampirette, cette dernière, fort hiératique à l'abord, ne trouve rien de mieux pour effrayer la galerie que d'entamer une petite danse folklorique (la BO est à l'avenant). Garder la tête froide face à une telle séquence relève de l'exploit.
Ainsi, à intervalles réguliers, on rend visite à un cabaret pour respirer, entre deux passages de vampirisation, l'air réconfortant du music-hall. Ou alors, une ronde de jeunes filles toutes nimbées d'innocence candide se forme subitement pour chanter, dans une scène champêtre, la joie des renouveaux printaniers et des ébats coquins (je cite dans le texte), sans qu'aucun raccord avec l'intrigue ne soit opéré. L'art des ruptures de tonalité est ici poussé à un point qui laisse loin derrière les pires 2 en 1 de l'ami Godfrey Ho.
Mais "Dracula au Pakistan" ne se réduit pas à ce concept puissant. Il présente de vraies qualités de mise en scène, bénéficiant notamment d'un beau noir et blanc. L'atmosphère des anciens films d'épouvante est au rendez-vous. Quelques idées originales (dans la séquence d'intro, par exemple, mais je n'en dirai pas davantage) rehaussent la trame bien connue de l'histoire. Ceci étant, un certain manque de rythme et de nervosité plombe l'ensemble: presque deux heures, c'est un peu long.
Au total, nous n'avons pas affaire à un nanar, mais à une vraie curiosité, eminemment sympathique malgré ses défauts; un film rare et audacieux, qui, paraît-il, n'a pas tenu une semaine à l'affiche, tant il détonnait à Lollywood. Je précise que je ne dispose pas du tout de la culture cinématique pakistanaise qui s'imposerait pour le remettre vraiment dans son contexte, et que le parfum de nanaritude que nous serions tentés de ressentir à son égard tient peut-être à cet éloignement culturel.
En tout cas, on ne m'empêchera pas de penser qu'on tient là une oeuvre drôlement moins éloignée de l'esprit du mythe que le superdreadnough de Coppola (
sans vélléité de vaine polémique, bien entendu

).