TIM KINCAID
Attention, carrière atypique. Le cas de Tim Kincaid, réalisateur emblématique du pire cinéma d’horreur et de science-fiction des années 1980, mercenaire de la pire série Z d’un côté mais metteur en scène culte dans un certain cinéma bien particulier de l’autre, mérite de figurer bien haut au firmament des bizarreries insondables de l’histoire du nanar.
Né le 2 juillet 1944 à Santa Ana (Californie, Etats-Unis), Tim Kincaid est tout d’abord comédien et décorateur. Il réalise en 1973 un film érotique soft, avant d'accéder à la notoriété sous le pseudonyme de Joe Gage. Pourquoi un pseudonyme ? Hé bien, car notre ami Tim, en pleine révolution sexuelle, décide de contribuer à la libération des mœurs en oeuvrant dans le marché alors peu développé du porno homosexuel. On le voit d'abord comme acteur dans un film de cette catégorie, "Morning, Noon and night" (1975). C’est avec son premier film comme réalisateur, «Kansas City Trucking Co.» (1976), sorti en France sous le titre “Le Secret des routiers », que Kincaid/Gage devient le chouchou des amateurs de porno gay, dont certains le qualifieront de « poète du prolétariat homosexuel». Adepte des hommes virils, aux physiques de véritables hommes du peuple, Joe Gage s’applique à faire un cinéma porno de qualité, avec un minimum de scénario et un certain travail sur l’image. Ses trois premiers films, incluant l’œuvre précédemment citée ainsi que «El Paso Wrecking Corp » et «L.A. Tool and die », sont considérés comme des classiques par le public de ce genre de films.
Richard Locke, acteur fétiche des films de Joe Gage dans les années 1970.
S’ensuit au début des années 1980 une période où Kincaid réalise quelques films plus obscurs, toujours dans le registre du porno gay : à des productions un peu «expérimentales » succèdent des œuvres plus commerciales tournées en vitesse pour payer les factures, sans le cachet de qualité des habituelles productions Joe Gage. Kincaid utilise pour ces œuvres alimentaires le pseudonyme de Mac Larsen. Puis, au grand désespoir des fans de beaux messieurs s’empapaoutant le postérieur, la carrière porno de notre homme va s’arrêter. Déjà un peu lassé par le hard, comme l’indiquait son renoncement à une certaine qualité, Tim Kincaid va abandonner pour de bon sa première carrière pour des raisons plus personnelles : bisexuel, notre homme s’est en effet marié avec la productrice Cynthia De Paula, qui lui demande gentiment de réorienter sa carrière, ce qu’il fait. Après un succès comme metteur en scène de théâtre de la pièce off-Broadway «Naked Highway », Tim Kincaid décide de passer à un cinéma plus traditionnel. Hélas, plutôt qu’une entrée par la grande porte à Hollywood, son passage au «vrai » cinéma va plutôt s’apparenter à une plongée dans les égoûts.
Le tandem Kincaid/De Paula va en effet travailler pour la firme Empire, dirigée par Charles Band, et dont la gestion hasardeuse va résulter dans la plus intense production de daubes des années 1980 : sous la houlette de Band et de son épouse comme productrice exécutive, notre ami va accoucher de quelques-unes des pires catastrophes du cinéma d’exploitation américain. En 1986, sa collaboration avec Empire démarre très fort avec «Robot Holocaust», film de science-fiction post-apocalyptique avec des costumes bricolés grâce à des morceaux de pneu et des effets spéciaux obtenus avec trois rustines et deux sparadraps. Si le porno a donné à Tim Kincaid la compétence pour tourner en un temps record, savoir filmer deux routiers en train de s’enfiler ne donne pas le talent nécessaire pour réaliser un bon film de genre. C’est une catastrophe hautement nanardesque, qui fera s’esbaudir des années durant les clients pervers de certains vidéo-clubs.
Kincaid frappe ensuite très fort avec «Breeders » (diffusé en prime time sur la 5 à la grande époque !), film d’horreur science-fictionnesque où un alien gluant et verdâtre viole des new-yorkaises vierges (jouées par des starlettes trentenaires revenues de tout) dans les couloirs du métro. C’est un nouveau triomphe de mauvais goût, dialogues, interprétation et effets spéciaux étant au diapason de la nullité générale du produit.
Ho le joli visuel DVD ! On se demande où ils vont chercher ça…
S’ensuivent un film de prison de femmes («Bad girls’dormitory ») avec matonnes lesbiennes et scènes de douche, ainsi que plusieurs autres collaborations avec Charles Band, comme le célèbre «The Occultist », également connu sous les titres de «Maximum Thrust » et « Waldo Warren, private dick without a brain ». Les affiches nous font rêver en nous promettant un terminator invincible cachant une arme absolue dans sa poitrine, le film nous offre un cyborg benêt avec une mitrailleuse cachée dans sa braguette. Tous les films de Kincaid tournés pour Band se distinguent d’ailleurs par des affiches glorieusement flashy, survendant allègrement des films minables à tous points de vue. Joe Gage était l'idole des homos pornophiles, Tim Kincaid est la risée des amateurs de fantastique !
Un trio de winners dans "Robot Killer /Mutant Hunt"
Après sa collaboration avec Band, Tim Kincaid se voit offrir la possibilité de travailler avec un studio plus riche : la Cannon de Menahem Golan le charge en effet de co-réaliser avec Enzo G. Castellari le catastrophique «Sinbad» avec Lou Ferrigno. Chargé avant tout de sauver les meubles par des producteurs mécontents de Castellari, Kincaid ne peut qu’accompagner le naufrage, le film n’étant distribué qu’après un copieux remontage par Luigi Cozzi. Notre homme enchaîne ensuite avec « Morte mais pas trop », une comédie fantastique avec Carrie Fisher. Nouvelle catastrophe. L’ex-Princesse Leïa confiera plus tard avoir été tellement sous l’emprise de la cocaïne qu’elle ne garde aucun souvenir du tournage.
Déçu par sa carrière «mainstream», Tim Kincaid décide d’arrêter les frais et de s’orienter vers d’autres activités. Il fonde sa propre entreprise et tente par ailleurs sa chance dans la littérature, en publiant deux romans.
Tim Kincaid, couronné pire ringard des années 1980, ne fait plus ensuite parler de lui dans le cinéma, jusqu’en 2001. Divorcé, ses enfants étant désormais indépendants, Kincaid décide de mettre à profit son temps libre pour revenir à ses premières amours cinématographiques. Objet d’un hommage à un festival du film gay en 2001, il décide de reprendre son pseudonyme de Joe Gage pour tourner de nouveaux pornos à l’attention d’un public toujours demandeur. Redécouvrant une industrie du porno gay désormais totalement «corporate », alors que ses films relevaient du cinéma baba-cool, Kincaid en tire son parti et tourne à un rythme très soutenu (dix-huit films en cinq ans) des films hard dont plusieurs semblent faire l’objet d’un culte, le nom de Joe Gage demeurant un gage de qualité pour un certain type de spectateur.
Venu d’un statut d’auteur vénéré dans le milieu très underground du porno, Tim Kincaid se sera ramassé un beau gadin dans le cinéma tout-public, avant de pouvoir revenir à ce qu’il sait faire le mieux. Le premier choix de carrière est parfois le bon ! Reste de son « autre » carrière une poignée de nanars fantabuleusement eighties, qui passeront à la postérité pour la plus grande gloire du mauvais cinéma.
Son site officiel :
www.joegage.com
Icono :
www.vhs-survivors.com www.bjland.ws www.zonebis.org
Filmographie :
1973
The Female response
1976
Le Secret des routiers (Kansas City Trucking Co.)
1978
El Paso Wrecking Corp
1979
LA Tool and die
1980
Close set
1981
Handsome
Cellblock 9
1982
Heatstroke
Oil Rig 99
Tough guys
1983
In the name of leather
Red ball express
1984
501
Closed set 2
1986
Robot Holocaust
Bad girls’dormitory
Breeders
1987
Riot on 42nd Street
Occultist, terreur vaudoue (The Occultist / Maximum Thrust / Waldo Warren private dick without a brain)
Mutant / Mutant Hunt / Robot Killer (Mutant Hunt / Matt Riker)
Necropolis
1989
Sinbad (co-réal)
Morte mais pas trop (She’s back)
2001
Tulsa County Line
2002
Closed set : the new crew
2003
Joe Gage sex files vol 1
Joe Gage sex files vol 2
Joe Gage sex files vol 3
2004
Truck stop on I-95
Men’s room : Bakerfield Station
Back to Barstow
2005
110° in Tucson
Tough guys : gettin’off
Gale Force : men’s room II
Alabama Takedown
2006
Closed set : Titan stage one
Deep water beach patrol
Lifeguard : the men of Deep water beach
Arcade on route 9