Ayé fini.
Et je me vois dans l'obligation de te donner raison, madd. J'ai honte de mon comportement antérieur, de la mesquinerie avec laquelle j'ai abordé le visionnage de ce film. Et je reconnais que tu as raison.
Non,
Rocky IV n'est pas un nanar.
Et non, ce n'est pas davantage un navet (il serait appréciable que les parvenus pseudo-cinéphiliques qui encombrent ce site cessent de jouer sur les mots, par ailleurs).
Rocky IV est bel et bien un chef d'oeuvre du 7ème art, un des plus beaux films de Sylvester Stallone, qui fait de lui l'égal des plus grands, que ce soit en tant qu'acteur ou en tant que réalisateur.
Les références à Welles, à Hitchcock, à Capra, étaient particulièrement bien vues. Mais l'on aurait pu en citer bien d'autres.
L'intelligence du propos m'a sidéré. Comment ai-je pu adhérer un seul instant à la thèse faisant de ce film une boursouflure "reaganienne" ? On est bien au-delà, ici, des contingences matérielles et des dilemmes politiques de bas étage. L'affrontement entre Rocky Balboa et Ivan Drago, bien loin de symboliser de manière poussive le conflit idéologique opposant le capitalisme au communisme (quoi qu'en disent les crypto-gauchistes aigris qui pullulent sur ce site subversif), atteint, grâce à la maestria visuelle et scénaristique de "l'Etalon italien", une portée eschatologique qui n'est pas sans évoquer, en plus subtil, certains films de Stanley Kubrick ou d'Akira Kurosawa. Le tromphe de Rocky sur Drago, c'est le triomphe du bien contre le mal, certes, mais aussi de l'homme simple et vrai sur la machine froide et austère (apologie du "cinéma sincérité" contre les produits mercantiles hollywoodiens), de la grandeur sur la bassesse ; cette idée est renforcée encore par la profonde atmosphère biblique qui parcourt le film en son entier : le chétif Rocky contre le colosse Drago, c'est David contre Goliath ; et s'étonnera-t-on que le combat final ait lieu un 25 décembre, en contemplant la figure christique de Stallone, dont le corps criblé de stigmates proclame à la face des matérialistes impies : "Voici, je vous présente le Fils de l'Homme" ? Jusqu'à l'émouvant discours final du boxeur crucifié (les premiers instants du combat) puis ressuscité (on le voit d'ailleurs porté en croix quand il sort du ring) : le onzième commandement, aimez-vous les uns les autres, est ici magnifié par un texte subtil et vrai, touchant et profond ; les mots simples d'un homme qui connaît la vérité pour avoir osé la regarder en face.
Intelligence du propos, donc ; mais aussi pertinence de la réalisation, qui sert au mieux, et même enrichit, les fantastiques performances de ces acteurs d'exception que sont Dolph Lündgren, Brigitte Nielsen, et surtout, bien sûr, Stallone lui-même. Le montage, vif et acéré, reprend et développe les plus grandes trouvailles du genre depuis Eisenstein et Hitchcock, et les parachève jusqu'à atteindre ce qui ce fait de mieux en ce moment (l'admirable Michael Bay, par exemple). On appréciera notamment la multiplicité des techniques, tels que split-screen (on ne manquera pas de penser à De Palma), fondus (Welles, Coppola, Scorcese) ou ces faux-raccords godardiens en diable, qui, bien loin de n'être qu'une gratuité clipesque, introduisent le spectacle au coeur même du spectacle : brio de l'ironie filmique, splendide mise en abyme ; Stallone se fait ici incontestablement le maître de la parabase, reléguant dans les bas fonds de l'industrie cinémtaographique les Welles, Cronenberg, Lynch et autres Wilder que l'on cite hélas trop souvent à cet égard.
La splendide bande sonore, enfin, achève de conférer à ce film le cachet du chef d'oeuvre. Le légitime succès populaire de ce monument du cinéma, les véritables plébiscites qu'il a soulevés sur les plus respectables et les plus prestigieuses institutions cinéphiliques de la communauté internationale (IMDB, Allociné, Amazon...) ne font qu'enfoncer encore un peu plus le clou. Il est dès lors totalement illégitime de concevoir ne serait-ce que la plus petite critique à l'égard de
Rocky IV : le peuple s'est prononcé.
... Ainsi que mon coiffeur, René, grand amateur de cinéma, et qui m'a confié à l'instant, avec sa verve juste et profonde : "D'abord, Rocky, tous ceusses qui z'aiment pas, c'est que des pédés."
