15 ans que la vhs traînait dans ma bibliothèque, quinze ans que mes parents avaient enregistré cela sur arte et avaient assorti cet acte d'un "c'est pas un film pour toi!".
Dix ans ont passé, j'essayait alors de transgresser l'interdit parental en visionnant ce film. Premières impressions: mouais, c'est lent, puis c'est en V.O. sous-titrée, pénible! J'ai tenu une demi-heure.
Ayant petit à petit enrichi mes connaissances cinématographiques, je décidait, pas plus tard qu'hier soir de revisionner ce film, convaincu qu'il y a cinq ans je n'était qu'un petit con, incapable d'apprécier une oeuvre à sa juste valeur, pour qui Herzog était un alpiniste.
Hier soir, j'ai redécouvert ce film, j'ai découvert Herzog, j'ai découvert Klaus Kinski.
Tout d'abord: l'ambiance. Lourde, étouffante, je ne sais pas si le fait que l'action se déroule dans la forêt vierge y est pour quelque chose mais dès la scène d'ouverture, la mort et la maladie planent sur cette expédition. Ils sont un millier, avancant en procession, telles des âmes damnées se rendant en enfer, tels des bêtes à l'abbatoir, assommés, stupides, allant à la mort en connaissance de cause mais l'acceptant parcequ'admettre son échec, parceque s'enfuir de ses rêves et renier ses illusions serait bien pire que de tomber sous les flèches des indiens.
Les personnages, ensuite, entre Guzmàn fantoche qui n'a pour seule gloire que son rang, "empereur" de carnaval, acceptant de régner sur un rêve pour oublier que son royaume est un radeau peuplé de fous.
; entre Ursua, seul être sensé de l'expédition et, donc, première victime d'Aguirre et de ses hommes qui le tuent comme la population d'Athènes executa Socrate lorsqu'ils s'apercurent qu'il était le seul être sage; entre les hommes d'Aguirre, qui n'ont d'autre horizon que de pouvoir choisir entre une mort lente et une mort rapide, la galerie des personnages renforcent encre plus l'idée de décadence de ces hommes, persuadés de leur invincibilité alors qu'ils sont déjà morts.
Enfin, Lope de Aguirre, joué par un Klaus Kinski qui était né pour jouer ce conquistador, comme Bela Lugosi était né pour jouer Dracula, comme Anthony Hopkins était fait pour jouer Hannibal Lecter.
Être fourbe, violent et grotesque (ce qu'était le véritable Lope de Aguirre), devenu chef car étant le plus fort, sans être le plus capable, poursuivant ses illusions, s'y raccrochant à tout bout de champ, invocant sans cesse Cortèz et Mexico pour se convaincre lui-même qu'il ne poursuit pas de chimères. La scène de l'"arbre-bateau", en est un exemple: même devant l'évidence, personne n'acceptera de la reconnaître: admettre que l'Eldorado n'existe pas, admettre que l'expédition est un échec, ce serait mourir.
Enfin, ce film m'a donné l'impression d'être une métaphore sur la vie: après tout, dériver au gré du destin, conscient que la mort plane et peut frapper à tout moment, être mu par l'espoir, avoir un rêve et refuser de reconnaître qu'il est irréalisable, n'est-ce pas notre lot à tous?
Pour moi, "Aguirre" n'est pas qu'un film historique: si nous sommes touchés par ce film c'est parcequ'il nous montre ce qu'est la condition humaine, nous nous considérons comme immortels pour oublier la mort, nous nous voyons grands pour oublier que nous sommes petits, nous nous voyons savants pour oublier notre inculture, nous inventons la réalité pour oublier qu'elle n'est, en fait, que ce que nous acceptons qu'elle soit.
Et toutes mes excuses mpour la longueur de ce post (d'autant plus que si vous lisez ceci c'est que vous venez de vous le taper), je vous promet que je ne recommencerait plu ce genre de bêtises (enfin pas souvent). Puis, mille pétards!, ce film valait bien çà!
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