http://www.nanarland.com/Chroniques/Mai ... romthedeep
• Réalisateur : Hg Mount alias Norbert moutier
• Année : 1993
• Pays : France
• Genre : gloubi-boulga de dinosaure (monstres géants)
• Durée : 1h15
• Acteurs principaux : Norbert Moutier, Jean Rollin , Christophe Bier, Guy Godefroy, Tina Aumont, Sylvaine Charlet , Chris le Targat
On se plaint toujours de ne pas avoir de cinéastes de genre dans le cinéma français. C’est faux. On a Norbert Moutier. Si l’homme brille par son amour du genre (gore, SF et fantastique) à travers ses chroniques et sa librairie spécialisée dans le bis, on ne peut cependant pas peut dire que l’on tienne le Tarantino francais. Car hélas, les bonnes fées ont oublié de donner à Norbert Moutier le moindre talent cinématographique. Est-ce vraiment un problème ? Au contraire, ici à Nanarland, terre d’asile du cinéma hors norme, on est ravi que ce bonhomme fasse du cinéma envers et contre tout.
un label de qualité
La filmographie du Ed wood francais (titre non usurpé) nous a déjà fourni la matière à chronique entre le presque professionnel Operation Las Vegas (j’ai bien dit presque) et le complètement frappé du bulbe Mad Mutilator . Dinosaur from the deep oscille entre ces deux pôles, mais le coté ultra fauché de la production rapproche plus volontiers du second.
le maitre dans l'un de ses plus gros roles, un chasseur de primes
Au départ, le film tente de mixer deux genres : la science fiction et le film d’aventures. Sorti la même année que Jurassic Parc, cette production destinée avant tout à la video ne peut évidement pas rivaliser avec le film de Spielberg. Toutefois, film fauché ne rime pas forcément avec mauvais film. Car Peter Jackson, Sam Raimi ou Roberto Rodriguez ont réussi à se faire remarquer par le talent qui se dégageait de leurs premiers films au budget famélique. Mais dans le cas de Dinosaur from the deep, manque d’argent rime cruellement avec manque de talent. Ou alors tout l'argent est parti dans les scenes américaines qui au final ne servent pas à grand chose, à part tromper un acheteur phillippin un peu bigleux au marché du film à Cannes croyant acheter une production indépendante US.
stock shots ? seconde équipe ? beaucoup d'argent pour pas grand chose
Premier coup dans la coque du bateau qui va vite devenir un radeau de la Méduse : le scenario ne tient pas absolument pas la route, il est même totalement hors de la piste.
Comme j’ai la flemme, j’ai recopié le Le résumé de Télérama (numero 1456 p 17):
Citer:
« Alors, dans un futur plus ou loin lointain, un dangereux criminel est capturé par une bande de chasseurs de primes dans la banlieue de Philadelphie. Mais on peut pas le tuer car en fait la loi l’interdit, alors une équipe de scientifiques est chargée de se débarrasser de lui sur une planète jumelle de la terre qui est en fait dans le passé, donc une époque où la peine de mort n’est pas abolie car il y a encore des dinosaures mais en fait la terre jumelle est une poubelle où vivent des hommes, enfin une femme préhistorique qui sympathise avec le criminel et puis un dinosaure mange tout le monde ou presque puis il pond un œuf dans la navette et commence à manger ceux qui restent lors du retour sur terre et puis le professeur devient fou. Et c’est tout. »
Cote morale : Le dialogue léger et des scènes suggestives obligent à des réserves morales. Ce film baigne dans une ambiance lourde, qui soulève le coeur. Tous les personnages sont des brutes ou des hommes moralement abjects. On montre même beaucoup d'indulgence avec plusieurs personnages sans scrupules. Le mal n'est pas assez désapprouvé. Le public doit savoir que le caractère abracadabrant et parfois impressionnant de ce film risque de heurter de très jeunes enfants sensibles
Je ne saurais être plus éloquent. Le film mélange sans vergogne des scènes gores inutiles et sadiques, une histoire d’amant et de maîtresse digne de Max Pécas , des chasseurs de primes incompétents, un tueur avec un bandeau ninja, des décors post-nuke, Alien le 8e passager et un paquet d’autres éléments scénaristiques faisant totalement fi de la moindre notion de cohérence et de continuité. D’ailleurs à la première vision, on a l’impression d’avoir loupé des scènes.
"chérie, ca va couper..."
« c’est une réelle photo satellite ! »(vrai dialogue du film)
Autre élément pour faire chavirer le navire, un casting aux petits oignons. Bon en gros, les potes de Norbert Moutier sont tous là, c'est-à-dire quelques figures emblématiques de l’underground cinématographique parisien des 80’s (dixit Nikita)
Christophe Bier (un avocat barbu et très véreux) est une figure du milieu bisseux et cinéphile : comédien et animateur de radio, il a écrit quelques bouquins et fanzines sur le cinéma et a même été assistant de Jean-Pierre Mocky
Un tueur (Guy Godefroy), qui est censé être l’ennemi public numéro 1 avec son bandeau ninja-japon. Une vraie machine à tuer (et à cabotiner).
Face à lui, il a une bande de chasseurs de prime plus proches de Séraphin Lampion que de Bobba Fett ou Deckard. Incapables, avec des armes pas très efficaces, se faisant berner par des ruses grossières, une belle bande de manches.
"On montre même beaucoup d'indulgence avec plusieurs personnages sans scrupules"
On trouve aussi un scientifique parfaitement sadique et incompétent, croisement entre Peter Jackson (la barbe) et Herbert West. Et comme tous les bons scientifiques, il ne fait rien sans son microscope.
On retrouve la très sensuelle Tina Aumont, la seule bonne actrice du lot, surtout connue pour ses films avec Comencini ou fellini et que Tinto Brass, grand connaisseur de l’anatomie féminine nomma « l’une des plus belles femmes au monde».
Maitresse du professeur (Jean Rollin) dans le film, elle disparait hélas très vite de l'écran, remplacée par la très improbable Sylvaine Charlet (qui a joué dans dans Les Gauloises blondes, chroniqué sur ce site), la femme du professeur qui réussit dans ses scènes de jalousie à tirer le film du coté de Max Pecas (comme si le film avait besoin de ca) et se balade en foret jurassique avec des talons hauts et une ombrelle. La classe dans ce monde de brutes.
Et attention, n’oublions pas le grand, que dis-je, l’immense Jean Rollin, spécialiste du film de vampire à la française. On serait tenté de dire que c’est le meilleur acteur du lot, les autres étant tellement exécrables que son « jeu » ne parait pas si mauvais que cela. Enfin celui qui fait illusion le plus longtemps (un bon quart d’heure, bon dix minutes, en fait une seule scène).
Pour vous laisser qq éléments de surprise, je vous épargne tous les péripéties de la joyeuse troupe sur la planète des dinosaures et les rebondissements, mais sachez que l’action ne faiblit pas, accumulant moments navrants de bêtise scénaristique renforcés par le cabotinage ou l’absence totale de talent des acteurs.
On s’en prend plein la poire pendant 45 minutes, et on se croit alors immunisé contre le ridicule (qui ne tue heureusement pas)
Et tout à coup la famille Pierrafeu débarque en la personne de Quelou Parente (actrice et réalisatrice de cinéma Bis) qui lance un chaleureux « vous êtes les bienvenus sur cette planète. Je vais fêter votre arrivée », sort un magnéto K7 et débute un numéro de danse lascive qui n’aurait pas juré dans un délire éthylique de Tarentino. En tout cas, c’est aussi plausible et opportun qu’un discours de la CGT dans American Pie.
Ah, quels mots sauraient décrire le quotidien de cette pauvre fille livrée à elle-même sur une planète hostile, une décharge qui ressemble fort à la foret de Barbizon (d’ailleurs, c’est la foret de fontainebleau). Et qu’apprend-on sur les autres habitants de cette planète ? Strictement rien, on peut donc en conclure que la fille des cavernes est une génération spontanée. Mais si je commence à relever toutes les invraisemblances, on n’est pas couchés.
"Les situations, le dialogue, quelques toilettes légères, telles qu'on en voit sur la Côte d'Azur, appellent des réserves"
Et Les fameux dinosaures des profondeurs on les voit quand ? Hein dis ?
Ta patience est récompensée, jeune padawan, tu va voir les dinosaures parmi les plus laids et les moins convaincants de l’histoire du cinéma, en tout cas moins bons que ceux du king kong de 1933 ! Vu que Ray Harryhausen n’était pas dispo cette semaine, on a pris des boulettes de papier toilette et de la pâte à modeler et on a…euh, tenté de faire sans trop y croire de l’animation image par image avec des formes ressemblant vaguement à des terribles sauriens.
Bilan : on se demande si les « créatures » présentes à l’écran sont en train de hurler de rage, de danser le twist, de mourir ou d’avoir simplement une grosse gastro.
Mais attention, mesdames et messieurs, voici le clou de ce petit parc jurassique, le petit dinosaure qui attaque les habitants du vaisseau lors du retour sur terre de nos héros. La terrible créature qui va vous glacer le sang, dans cet espace où personne ne peut vous entendre crier est…une chaussette.
Non, ils n’ont pas osé ?
Oh que si ! Dans le cas fort improbable où vous auriez tenu jusque là sans éclater de rire (ce qui me parait humainement impossible mais sait on jamais, on peut tomber sur un bureaucrate soviétique sourd), la vision de ce muppet censé représenter la main du destin, le fatum s’abattant sur cet équipage de débiles profonds, aura rapidement fait de vous achever.
Face à toutes ces menaces fantômes (un gant Mapa qui vous agresse, il faut y croire) , les acteurs sont assez consternants et tentent péniblement de faire croire à un danger inexorable mais ne parviennent même pas à atteindre le niveau de Bela Lugosi combattant une pieuvre non-animée dans Bride of the Monster d'Ed Wood.
Et pour envoyer définitivement le navire au fond du lac, la photographie est parfaitement laide, la prise de son rend les dialogues souvent inaudibles, les faux raccords sont légion et la musique ressemble aux démos du fils de 6 ans de John Carpenter qui a retrouvé les vieux synthés de son père.
La technique ne suit pas et se trouve donc au diapason de ce Trafalgar du bon goût. Il faut quand même en vouloir pour faire un film aussi pourri techniquement en 1993 mais la cohérence est totale.
de superbes cadrages
Œuvre totale et riche, comme un grand opéra Wagnérien (mais ca dure moins longtemps) et mis en scène par un amoureux maladroit du cinema bis, Dinosaur From the Deep mérite amplement plusieurs visions pour révéler tous ses trésors, en dépit du caractère abracadabrant et parfois impressionnant de ce film qui risque de heurter de très jeunes enfants sensibles, on vous aura prévenu.
hé les gars, je crois qu'on tient là un gros morceau.
note : 4/5
Cote de rareté : 5
Une seule K7 vidéo parue à l’époque et un hypothétique DVD qui ne verra peut etre jamais le jour, en dépit d'une forte demande populaire.
En allant farfouiller dans la boutique de Norbert Moutier, ca doit pouvoir se trouver