ALIEN VS HUNTER
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Certains se plaignent que « le nanar, c’était mieux avant » : des séries B trop propres et bien photographiées, des films d’exploitation manquant de folie ; c’est oublier que le temps nous permet de faire le tri entre les œuvres platounettes et les nanars de compétition, chaque époque, même les meilleurs « âges d’or » du nanar, ayant eu leur dose de navets soporifiques. Il ne faut donc pas désespérer et la sortie, en 2007, d’un film aussi glorieusement crétin que « Alien Vs Hunter », nous le prouve amplement. Si les concepts d’imitation et celui de plagiat sont aussi vieux que le cinéma lui-même – pour ne pas parler de la littérature, voire de la peinture – il est toujours réjouissant, dans le contexte du cinéma d’exploitation, de voir un tâcheron profiter du succès de l’un de ses collègues pour exposer à la face du monde sa propre copie cochonnée et déplorable. Et ce, d’autant plus que l’œuvre copiée n’est pas du Matisse : chacun aura compris qu’il s’agit ici d’une grossière démarque d’« Alien vs Predator », produite par The Asylum, société de série B déjà responsable de « Transmorphers ». Certes, mais ledit film date de 2004 : n’est-ce pas là décevant de la part de cette boîte de prod’, réputé sortir ses plagiats un peu avant la sortie des originaux ? On rassurera nos lecteurs en leur confirmant que le blockbuster à battre était en l’occurrence «Alien vs Predator : Requiem», la
suite d’ «Alien vs Predator», qu’ «Alien vs Hunter » réussit effectivement à coiffer au poteau.
Ne reculant devant absolument rien, The Asylum nous met l’eau à la bouche en nous promettant un conflit inter-planétaire (même le slogan, « Battlezone : Earth », ne fait rien qu’à copier sur ses voisins), avec un Alien plus vrai que nature et un Predator au top de la technologie galactique. Mais z’alors, le film c’est vraiment tout pareil ? A quoi bon nous déplacer dans les salles de cinéma plutôt que d’acheter des DVD à 1€ (ou 1,5$, pour nos amis d’Outre-Atlantique) ? Les brocantes les plus glauques sont donc à deux doigts de mettre sur la paille les multiplexes les plus arrogants et, par ricochet, l’industrie du cinéma ? Tremble, Hollywood ! La revanche du cinéma bis est en marche !
Restons calmes : de même que « Transmorphers » parvenait à nous faire regretter à la fois « Transformers » et « Matrix : Revolutions », « Alien vs Hunter » nous rappelle que si les projets des majors continuent, à l’heure où ces lignes sont écrites, à dominer l’industrie du divertissement, il y a peut-être une raison. « Aliens vs Hunter », c’est ce que l’on obtient quand on met des moyens techniques relativement conséquents au service d’un réalisateur à peine sorti du lycée et d’un scénariste dont l’expérience se résume à quelques parties de jeu de rôles. Lisse sur la forme, le film se désagrège sur le fond, sous l’effet du moindre examen quelque peu attentif.
Le héros (William Katt, sorte de fusion entre Nick Nolte et Richard Harrison)
L’action se déroule dans un coin reculé de campagne américaine, soit l’endroit idéal pour une invasion extraterrestre : un écrivain local en plein jogging, de même que le shérif adjoint, sont témoins de l’atterrissage quasi-simultané de deux météorites, qui s’avèreront être les vaisseaux spatiaux de deux créatures ennemies, venues poursuivre sur Terre leur combat, plutôt que d’essayer de régler ça par un stock-car dans l’espace. Venus observer l’engin le plus proche, les deux villageois voient apparaître son occupant : une créature hostile et tout bonnement abominable, tellement moche qu’on la croirait dessinée par Giger.
-C’est horrible, faites quelque chose, on se croirait dans un mauvais film de science-fiction !
Filmée en plan américain, la chose (qui apparaît comme étant conçue en latex) semble avoir une forme humanoïde, mais les plans éloignés (où elle n’est plus en latex, mais en images de synthèse) nous révèlent que le bas de son corps a une forme arachnéenne, apparemment rétractile puisque les images rapprochées ne nous en montrent rien, alors que ses pattes sont trop grosses pour disparaître ainsi du champ de vision. On me chuchote que c’est parce que les techniciens des effets spéciaux ont eu la flemme de bosser pour les plans rapprochés et que de toutes façons le CGI, ça rend moyen en gros plan, mais ça m’paraît pas Dieu possible.
L’un des rares plans où le corps entier de l’Alien apparaît en plan rapproché (rapide et peu distinct).
Comme s’y attendait quiconque ayant lu le titre et vu l’affiche, l’autre météorite révèle également un extraterrestre hostile, sorte de chasseur intergalactique, capable de se rendre invisible, désireux d’accrocher la précédente créature à son tableau de chasse et ne rechignant pas à découvrir les mérites du gibier humain. Notons tout de suite l’absence de ressemblance entre le simili-Predator dessiné sur l’affiche et la créature effectivement présente dans le film : foin de cyborg insectoïde à la pointe de la science futuriste, le chasseur venu de l’espace est une sorte d’épouvantail coiffé d’un chapeau vaguement chinois et revêtu d’une sorte de masque à gaz, avec à la hauteur du nez une espèce de lampe rouge qui lui donne très nettement l’air d’un clown.
La vision du Predator.
Ajoutons en outre que, si l’Alien se montrera tout au long du film d’une agressivité assez notable, charclant à belles dents plusieurs terriens, le Predator se montrera pour sa part d’une mollesse assez magistrale, ratant toutes ses cibles comme un bigleux qui manquerait un éléphant à trois mètres dans un couloir et prenant un temps infini pour dégommer un redneck qui vient lui chercher noise. C’est le chasseur dont rêvent toutes les proies : sourd, aveugle, lymphatique, tout juste s’il ne tient pas son fusil à l’envers ! Et il ne s’agit pas non plus d’un quelconque désintérêt pour les proies humaines, puisqu’on le verra par ailleurs tuer des gens qui ne lui ont rien fait. Le Predator d’«Alien vs Hunter», ce n’est même pas un succédané de série B, c’est un comédien amateur bègue qui essaierait d’interpréter Richard III.
Mon Dieu, le Predator, vite cachons-nous !
Ni vu ni connu.
Il faut dire que face à des victimes pareilles, les deux monstres sont quelque peu battus sur le terrain de l’incompétence. Que font les (dix) habitants du petit patelin en apprenant que deux créatures de l’espace extrêmement dangereuses se trouvent à proximité ? Ils prennent leurs voitures pour accessoirement aller chercher du secours et principalement se mettre à l’abri (sachant que les communications sont coupées ?) ? Non, ils se réunissent dans un bureau de la mairie et ils en parlent.
La Terre est envahie, dépêchons-nous de rien foutre.
Tout le film voit les protagonistes se livrer à une sorte de concours de crétinerie et d’illogisme, consistant à voir qui prendra face aux deux aliens la décision la plus stupide et la plus dangereuse ; sachant évidemment que si les habitants du bled prenaient la seule décision à peu près sensée, à savoir déguerpir aussitôt le plus loin possible, hé ben y’aurait pu de film. Un petit peu d’originalité, avec l’alliance entre les habitants et une mini-communauté de rednecks d’extrême-droite surarmés, ne vient pas sauver le film de l’idiotie galopante ; si la forme suivait, le film pourrait encore sauver l’honneur, mais il n’en est rien : correctement photographié (avec un peu d’indulgence, on se croirait presque dans un Michael Bay), « Alien vs Hunter » est tout simplement filmé avec les pieds, la caméra passant son temps à cadrer de traviole et à couper le haut de la tête des comédiens. Le seul à bénéficier de cette semi-décapitation est encore le Predator, que le réalisateur peut ainsi éviter de nous montrer dans l’intégralité de son ridicule (on voit moins qu’il a un chapeau chinois).
Quelques-uns des multiples cadrages « coupe-crânes ».
Mais restez dans le cadre, bon Dieu !
Le montage est à peu près aussi calamiteux, échouant à donner le moindre dynamisme à des scènes d’action dont certaines sont si mal foutues que l’on se croirait presque en présence d’un projet amateur. Un petit bon point pour les comédiens, qui réussissent à faire à peu près bien leur boulot dans un contexte pas franchement idéal : on distinguera entre autres la présence de William Katt (ex-jeune premier des années 1970, vu entre autres dans « Carrie », et depuis dans une kyrielle de séries télé) et de Dedee Pfeiffer, surtout connue pour être la sœur cadette de Michelle Pfeiffer (les gars de The Asylum sont si émus d’avoir une sœur de vedette qu’ils commettent l’exploit de faire une faute à son nom sur l’affiche : bravo, les mecs).
Dedee Pfeiffer.
William Katt et le redneck en chef.
Non mais franchement, vous voyez ce mec semer la terreur dans l’univers ?
A la différence de certaines productions The Asylum, qui manquent quelque peu de rythme et de charme, ou de « Transmorphers », qui enquillait pas mal de scènes de blabla avant de nous offrir ses merveilleux effets spéciaux à deux balles, « Alien vs Hunter » se distingue par une action assez rondement menée, qui ne laisse en tout cas pas trop le temps de s’ennuyer, jusqu’à une fin littéralement incompréhensible et ahurissante d’absurdité. Production idéale pour un marché du DVD à bas prix, « Alien vs Hunter » est le type même de film que l’on peut regarder d’un œil distrait en repassant son linge, sans rien trouver à y redire, mais qui fournissent du bon matériel pour les collectionneurs d’idioties. A voir sans attendre le nanar du siècle, mais pour se vider gentiment le cerveau.
Seigneur, nous avons trouvé le laboratoire où The Asylum conçoit ses scénarios ! Ah mon Dieu, c’est horrible, il y a du jus de navet partout !
ALIEN VS HUNTER
Titre alternatif : AVH
Année : 2007
Durée : 1h25
Pays : Etats-Unis
Réalisateur : Scott Harper
Genre : Photocopie de resucée
Catégorie : Rencontre du troisième type
Avec :
Cote de rareté : 4/exotique
Sorti à la fin 2007 aux Etats-Unis, le film est encore inédit en France, mais pourrait bien surgir un de ces jours dans les bacs à DVD pas chers.
Note : 2,25