AVERTISSEMENT: Ce film a déjà été chroniqué...
http://www.nanarland.com/Chroniques/Main.php?id_film=forestwarrior
La chronique est même sur le site... mais, dans mon étourderie, avant de m'en rendre compte, j'avais déjà commencé la rédaction de la mienne... Qu'à cela ne tienne, je la finis et a mets en ligne, pour le plaisir. Ce n'est pas que j'aie quelque chose à reprocher à la première (que je n'ai pas lue pour ne pas risquer de plagier), c'est juste que ça m'amuse...
Metteur en scène : Aaron Norris
Auteurs : Ron Swanson (histoire et scénario)
Genre: Kung Fu Black Bear
Récompenses : nomination aux
Young Artist Awards pour "Best Performance in a TV Movie/Home Video - Young Ensemble" : Trenton Knight, Megan Paul, Josh Wolford, Michael Friedman, Jordan Brower.
Chuque Norris est un grand nom de la nanarditude. Pas de celle de la plongée vers les abysses de l’âme humaine et du bizenesse hongkongais, mais celle de la bêtise friquée et fasciste [EDIT] Voir ci-dessous quelques considérations sur l'adjectif "fasciste" utilisé ici à la grosse louche [/EDIT]. Ah, j’invoque les mânes de Menahem Golan et de Yoram Globus à qui l’on doit le financement de tant de belles cornichoneries toxiques !
Mais Chuque n’est pas seulement un acteur de droite (et donc méchant), c’est aussi un grand humaniste qui peut faire des films familiaux. Ah, le film familial pour star du cinéma bas de plafond en perte d’audience ! Que de belles choses ont été faites dans ce créneau : Un flic à la maternelle (Arnold) et Arrête ou ma mère va tirer (du grand Sylvestre) en sont de magnifiques exemples.
L’équation est pourtant problématique : quand on a pour principal talent de savoir faire semblant d’allonger des tatanes et de faire semblant d’en prendre dans la gu…, comment faire du cinéma familial ? Que dire quand c’est le seul talent qu’on a (avec la réalisation de clips pour Mike Hukabee) ? Voilà le problème de Chuque : devenir un karatéka ami des familles, un koungue fou mastère au service de la communauté, un multiplicateur de pains humaniste.
La réponse s’appelle Forest Warrior. La recette est simple : on prend un synopsis fin comme du papier à cigarette, avec des gentils (très) et des méchants (très aussi), on prévoit des scènes de bagarres et d’explosions et, concession nécessaire, on rajoute plein de gentils américains moyens auxquels on donne pour seul rôle de crier “Au secours, au secours” quand le méchant attaque. Pour faire bonne mesure, on rajoute de la magie, des forêts profondes, des animaux, l’esprit de la forêt et tout le bazar.
Et voilà, Chuque aussi peut faire de la fable écologique. On peut aimer les armes lourdes et être un poète, conduire un Hummer et aimer les bêtes, haïr les cheveux longs et vibrer avec l’esprit de la forêt. Le résultat est hautement réjouissant et prend la forme d’une sorte de Walt Disney burné. De ces Walt Disneys de la grande époque des mères blondes bien coiffées, au look de sorcière bien aimée et à la pelouse bien tondue autour du pavillon de banlieue. Il faudrait un jour faire l’étude de ces productions familiales au kilomètre qui ont visiblement profondément marqué Chuque avant qu’il ne découvre les joies des ninjas sauvant des mijaurées mieux gaulées que les mères de famille précitées.
Arrêtons ici de tout mettre sur le dos de Chuque, il y a une hypothèse alternative qui prend tout son sens lorsqu’on apprend que c’est Aaron Norris qui met en scène le beau Chuque. Soit le frère karatéka a soufflé le sujet au frère rien du tout, soit le frère rien du tout, dégoûté des films couillus de son fraternel a, en réaction, développé une lopettose qui l’a amené à visionner en boucle L’espion aux pattes de velours, La coccinelle à Mexico et Benji vs. Alien. Ce serait le beau Aaron qui serait à l’initiative de ce magnifique projet : transformer un facho malaimé en sorcier bien-aimé.
Troisième hypothèse, Aaron est fan des Goonies et a voulu faire Les Goonies meet Chuque. Nous ne connaîtrons sans doute jamais le fin mot de cette histoire.
Quoi qu’il en soit, entrons dans le vif du sujet, il est plus que temps.
Un bon-papa noir (Chuque, pour sa part, parle de nègre), le soir au coin d’un feu, dans un village américain, plein de braves américains, simples et formant une harmonieuse communauté, fidèle au serment des passagers du Mayflower de faire de cette terre la nouvelle Jérusalem… Mais je m’égare… Un bon-papa noir raconte à des enfants la merveilleuse histoire d’un trappeur traqué au cours de ses tribulations par une troupe de truands tramant de troubles traîtrises. Tristement, il trépasse, trucidé d’un coup de tromblon lui trouant le dos. Mais la légende dit que son histoire ne s’achève pas ainsi. Tombé à la rivière puis rejeté sur la grève, un ours noir le trouve, le tire par la manche – ce qui nous donne droit à un magnifique cadrage permettant l’économie d’un trucage (dans ce genre de film, on ne parle pas d’effets spéciaux) – et le ressuscite… rien de moins.
“- Chef, y’a la manche de la doublure de Chuque qu’est coincée dans le collier de l’ours.”
- C’est bon, ça tournait, on la garde.”
“Hoquetipoquetipoquetiwok, ramassons le Chuque-à-broc.”
“Par le pouvoir du pixel nanar, je te ressuscite.”
Voilà Chuque devenu un esprit de la forêt, veillant sur elle et sur ses occupants. Maintenant, il peut se changer à volonté en ours, en loup ou en aigle. Désolé, ces trois occupants de la forêt ont été pris au hasard, pas de chance pour les charançons, les blaireaux ou les courlis cendrés. Peut-être aussi, l’esprit de la forêt ne peut-il s’incarner qu’en des formes dignes de lui : l’ours, le loup, l’aigle ou le Chuque. Chuque est tellement fort qu’il peut regarder dans tes yeux jusqu’au fond de ton âme.
Quand Chuque regarde jusqu’au fond de tes yeux tellement loin qu’il voit si ton slip est propre, ça commence comme ça.
“Putain, c’est quoi ce caleçon à fleurs ?”
Nous connaissons Chuque, qui sont les autres protagonistes ? Ce sont les habitants d’un petit village en lisière de la forêt, au pied de la montagne. Nous suivons plus spécifiquement une troupe de gamins (et une gamine, quand même, faut faire le ménage dans les cabanes dans la forêt) d’une dizaine d’années. Il y a le brave shérif, un gentil mécanicien quitté par sa femme, alcoolique et père de la susnommée gamine (qu’il aime, mais délaisse). Tout un petit peuple constituant une magnifique communauté vivant dans l’harmonie.
“Si personne ne m’aide à vider les poissons, j’appelle le MLF de la forêt.”
Mais une menace pèse sur leurs épaules : un méchant exploitant forestier projette d’abattre une large part de la forêt. Pourquoi est-il méchant ? Mais parce qu’il ricane bêtement, fume le cigare pour un oui ou pour un non et est accompagné d’avocats débiles et de bûcherons ignobles. Quelle est d’ailleurs la différence entre un bon et un mauvais bûcheron ? Le mauvais bûcherons, il voit un arbre, il le coupe. Le bon bûcheron, il voit un arbre, il le coupe aussi, mais c’est différent. En plus, la chemise à carreau du mauvais est sale, il est mal rasé et contrairement à M. Ingals, il coupe les arbres avec une tronçonneuse de fabrication japonaise et pas avec une hache américaine.
Le scénario s’arrête là. La suite ne sera que coups de poing de Chuque, doué d’une force surhumaine, coups de force des bûcherons, qui font sauter à la dynamite une cabane en bois, coups fourrés des gamins qui harcèlent les bûcherons et coups de barre du spectateur qui se demande si c’est encore long.
Pour faire sauter un pont ? Non, une cabane en bois, pourquoi?
Ça, on sait comment ça finit…
Boum
Bien entendu, tout fini bien : le méchant perd et devient fou, Chuque ressuscite une fillette explosée, les enfants crèvent les pneus des 4x4, Chuque arrête la chaîne d’une tronçonneuse à mains nues, les enfants retrouvent leurs parents, Chuque retrouve sa femme indienne, les parents des enfants arrêtent de boire et deviennent adjoints du shérif, Chuque est tellement l’esprit de la forêt que les animaux se battent à ses côtés, etc.
L’attaque des ratons tueurs.
Le retour du pixel nanar.
“Regarde, maman, à une seule main !”
Disons-le tout net, ce film est magnifique ! Il fait partie de ces fresques qui chantent la gloire d’une nature inviolée et la force des esprits – à défaut de celle de l’esprit des scénaristes. Il porte au plus haut le don pour le cinéma de la famille Norris dont le Chuque incarne avec une présence hors du commun un fantôme tatanneur, le tout filmé avec l’incroyable talent du Aaron. Les lumières sont tellement magnifiques que tout ressemble à un studio, les couleurs sont tellement saturées qu’on croirait une publicité pour une eau minérale naturelle.
J’aime ces nanars des familles, qui ont de l’ambition et des moyens, mais pas l’ombre d’une étincelle de génie. Désolé, mais je préfère ça à un lassant Godfrey Ho, plombé par destination et dont on sait que rien ne sortira. Bien sûr, on n’en est pas au niveau de nanarditude d’un Turkish Star Wars dont l’incroyable ambition et l’indigence financière – entre autres – ont fait un chef d’œuvre mémorable. Mais voilà, je l’aime.
Et puis, maintenant, quand je me promène en forêt, je rêve que Chuque m’apparaît pour me défendre contre une nuée de moustiques ou pour regonfler le pneu de mon VTT qui vient de crever. Et, finalement, c’est ça, le cinéma : du rêve à l’état pur.
Non ?