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Une chronique de circonstance, puisque c'est bientôt les vacances !
The monster of Camp Sunshine or How I Learned to Stop Worrying and Love Nature
Il était une fois, au fin fond d’un vieux drive-in désaffecté où personne n’avait mis les pieds depuis bien longtemps : un film. Rien d’étonnant me direz-vous. Oui, sauf que ce n’est pas n’importe quel film ! Il s’agit de l’incroyable
Monster of Camp Sunshine or How I Learned to Stop Worrying and Love Nature (ouf !).
Découvert un peu par hasard bien avant de connaître Nanarland, cette « chose » m’a mis en face de mes propres contradictions en me faisant comprendre l’absurdité de mon existence. En effet, je me suis très rapidement rendu compte que j’étais tombé sur un objet filmique non-identifié dont les enjeux me dépassaient complètement. Une fois le film terminé, et surtout après avoir pris conscience que je n’étais qu’une sous-merde, un dilemme des plus cornéliens s’est posé à moi : faut-il faire connaître au monde l’existence de ce film, quitte à passer pour un fou, ou alors occulter complètement cette chose de ma mémoire et conserver un semblant de vie sociale ? J’ai donc très courageusement décidé d’enterrer ce film dans mon jardin mais n’ayant aucune volonté, j’ai revu la bête quelques temps plus tard… Bien mal m’en a pris car c’était encore pire que dans mes souvenirs ! Puisque je ne peux plus reculer, autant vous exposer ce qui hante mes nuits depuis toutes ces années.
Un générique énigmatique…
Ce film de Ferenc Leroget (au temps pour moi : LE film de Ferenc Leroget !) est issu d’un filon particulièrement juteux au cours des années 60 et dérivé du nudies : le film naturiste. Si l’on veut revenir aux sources de ce sous-genre plutôt sympathique il faut remonter jusqu’aux films éducatifs des années 30 dont l’édifiant
La Vallée du nu sorti en France accompagné d’une VF rigolote. S’inspirant des théories de Wilhem Reich, lesquelles vantaient les mérites de l’exaltation d’une sexualité libérée, ces petits films n’avaient pour buts que de permettre au spectateur de se rincer l’œil sous couvert d’un reportage sociologique sur la vie des nudistes. C’est véritablement vers les années 50-60 que le genre atteint pleinement son apogée. Les principales caractéristiques étaient une ingéniosité et une inventivité hors pairs afin de cacher certaines parties de l’anatomie des personnages. Tous les stratagèmes étaient bons pour contourner le bras vengeur de la censure. Ce genre a même lancé quelques grands réalisateurs comme par exemple, le futur réalisateur d’
Un Justicier dans la ville, Micheal Winner avec
Nus au soleil en 1961. En France, nous en avons eu un bon exemple avec l'extraordinaire l'
Ile aux femmes nues.
Il y eu plusieurs types de fusion avec le genre fantastique, néanmoins
Monster of Camp Sunshine en demeure la plus inaboutie et la plus étrange. Donc la plus indispensable !
Vacances j’oublie tout, plus rien à faire du tout !
Mais revenons à nos moutons: Car ce film, c’est avant tout l’histoire de deux super-copines, Claire et Martha. Elles habitent dans le même appartement à New-York, fument les même cigarettes et elles s’entendent bien malgré leurs différences capillaires et professionnelles (Claire est mannequin tandis que Martha, quant à elle, occupe le poste d’infirmière). Mais un jour, alors que Claire passe l’aspirateur dans l’appartement, elle découvre l’impensable : DES REVUES AVEC DES GENS DESHABILLES DEDANS ! Claire tombe des nues, comment sa meilleure amie a-t-elle pu lui cacher durant tout ce temps ses déviances sexuelles? Mais Marta lui révèle que le naturisme est, au contraire, un art de vivre merveilleux et qu’on ne peut pas juger avant d’avoir essayé. Ni une, ni deux, nos deux amies partent pour le fameux « Camp Sunshine » afin de s’initier aux joies de la vie dans le plus simple appareil. Car cet endroit, c’est avant tout la réconciliation de l’homme avec la nature loin des tracas de la société corruptrice. Claire est finalement convertie et pardonne à son amie. Tout est bien qui finit bien…
Un accueil chaleureux.
Claire, la plus réfractaire au nudisme.
Martha, l’intello de la bande.
Heu… Non attendez c’est pas ça du tout. Comme le titre du film l’indique très justement, il y a un monstre dans ce fameux « Camp Sunshine». Pour en connaître l’origine, il va falloir retourner en arrière. Comme il a été dit précédemment, Martha travaille dans un hôpital et ne semble pas très dégourdie puisqu’elle fait malencontreusement ingurgiter à des souris de laboratoire, un produit radioactif très dangereux lequel libère les instincts meurtriers des rongeurs. Ces derniers sortent de leur cage et s’en prennent à notre pauvre infirmière ne trouvant d’autre échappatoire que de sauter par la fenêtre. Alors que tout semble perdu, c’est là qu'intervient le fiancé de Martha, docteur par la même occasion. Ce dernier arrive à temps pour sauver in extremis son aimée d’une mort certaine. Traumatisée par cette expérience, elle décide de partir en vacances avec sa meilleure amie et le photographe de cette dernière (Tim) à l’endroit où vous savez. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne perd de temps afin d’effacer de sa mémoire cette épisode douloureux. En effet, il lui faut moins d’une minute pour se mettre en tenue d’Adam. Néanmoins, son amie sera plus réticente et il lui faudra au moins compter deux minutes pour qu’elle daigne bien se dévêtir. Toutes les pensionnaires exhibant fièrement leurs plastiques sous le regard concupiscant d’Hugo, le jardinier, l’ambiance est des plus décontractées. Mais le bon docteur susmentionné, après avoir analysé le produit qu’ont ingurgité les souris, en déduit que cette substance et extrêmement dangereuse. Il décide donc très intelligemment de jeter le flacon dans la rivière. Manque de bol, ce fameux flacon flotte jusqu’au camp naturiste et le pauvre jardinier l’ingurgite malencontreusement. Il se transforme donc en un monstre affublé d’un rictus sadique et de la coupe de cheveux de Moe Howard (affreux !).
Cela pourrait être marrant s’il ne s’en prenait pas aux femmes à gros seins résidant dans ce havre de paix (et il y en a beaucoup !). On décide d’appeler l’armée pour rétablir l’ordre et ils ne lésineront pas sur les moyens !
Si vous comprenez quelque chose à cette scène, ne prenez pas le volant !
La terrible métamorphose d’Hugo ! A moins que je n’ai inversé les photos…
Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus car la fin est inqualifiable et les quelques captures d’écran ne suffisent pas à montrer la profonde idiotie du film. Mais sachez que l’ensemble est absolument dénué de toutes formes de rythme. Ainsi, nous assistons pétrifiés à l’évolution des naturistes dans leur milieu naturel lors de séquences toutes plus longues les unes que les autres. Je prends, à titre d’exemple, la scène quasiment filmée en plan-séquence, où les personnages arrivent en caravane pour se foutre à poil, poser les serviettes de plage et faire cuire des merguez. On a parfois l’impression d’observer un bocal à poisson rouge et cette impression est renforcée par l’absence totale de dialogue. C’est bien simple, c’est un véritable voyage jusqu’aux tréfonds du néant cinématographique auquel nous assistons et pourtant… C’est tellement bon ! Car
Monster of Camp Sunshine ne se regarde pas, il se contemple ! Quelquefois on dirait les prémices de la téléréalité tellement les partis pris esthétiques semblent désespérément inexistants et à l’inverse, son aspect statique nous fait parfois penser à un film de Chantal Akerman. C’est en ce sens où ce qui devait être d’une chiantise abyssale se transforme en une véritable œuvre d’art laissant une sensation de perpétuel inachèvement propice à une multitude d’interprétations possible.
Tant qu’il y a de la braise, c’est pas fini!
Un film inédit des Frères Lumières retrouvé.
Au niveau des acteurs, le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne brillent guère par leurs présences et d’ailleurs, ils sembleraient n’avoir joué que dans ce film. Néanmoins ils savent donner de leurs personnes que ce soit pour se déshabiller ou bien pour tourner certaines scènes plus ou moins dangereuses. A ce sujet, la scène où le scientifique est obligé de courir pour ne pas mourir écrasé sur l’autoroute est une preuve flagrante de la totale inconscience du metteur en scène. Mais c’est sans doute le prix à payer si l’on veut apporter sa pierre à l’édifice que constitue ce film unique en son genre.
Notre ami le docteur, jamais à l’abris d’un petit coup de blouse !
Tim, l’Eminence grise.
Quelle classe mes aïeux! On dirait Humphrey Bogart dans « The Big Slip »!
Quant à l’utilisation du son, elle est pour le moins curieuse. Si le film est raconté par le biais de son personnage principal, (mais cette voix-off ne suffira pas à combler les vides du scénario) il y a très peu de dialogues. La postsynchronisation comme la prise de son directe semblant tellement défectueuses, le réalisateur a cru bon de rajouter une musique lancinante afin d’accompagner les moments de flottement de son film. Et dire qu’ils sont nombreux serait un doux euphémisme. Car
Monster of Camp Sunshine c’est tout simplement l’apologie du néant à tel point qu’on se demande si Ferenc Leroget vit sur la même échelle de temps que nous. L’autre point intéressant réside en la présence d’intertitres censés nous expliquer ce qui se passe à l’écran. Cet hommage au cinéma muet ne fait qu’enfoncer encore plus le film dans le ridicule. Heureusement, l’aspect fantastique apporté par la présence du monstre permet d’opérer une rupture dans le récit et quelle rupture ! Si je ne révèle pas la fin ce n’est pas afin de garder le suspens mais juste parce qu’elle est irracontable. C’est pourquoi je préfère vous mettre sans plus de préambules, face aux images :
TOTAL PORTNAWAK ! ANARCHY IN THE CAP D’AGDE !









Le film se présente comme une fable, mais j’avoue volontiers ne pas avoir très bien compris la conclusion : le scientifique observant les restes du monstre enlève sa blouse et se retrouve dans le plus simple appareil. Et là, quand l’on pense que le film va enfin se terminer (ce que tout film normalement construit ferait, une fois que le mot FIN soit apparu sur l’écran) Ferenc Leroget nous a concocté une dernière surprise mais je laisserai au spectateur le plaisir de la découverte (oui je sais, ce n’est qu’un argument bidon de plus pour masquer le fait que je ne sais plus quoi dire).
Au détour d’un flash-back, l’héroïne se voit en train de passer l’aspirateur en sous-tifs!
Oui c’est sûr que là on comprends mieux…
Le chef désarmé.
Vous l’aurez compris, « Monster of Camp Sunshine » repousse très loin les limites du n’importe quoi, si bien qu’à aucun moment nous ne connaissons les motivations exactes du réalisateur. Est-ce un documentaire ? Une fiction ? Un film de vacances ? Un rêve ? Il faut bien avouer qu’en définitive, nous n’obtiendrons jamais la réponse tant ce film demeure inclassable. J’ai quand même voulu savoir si ce fameux Camp Sunshine existait réellement mais il semble que ce soit un centre de repos pour jeunes enfants cancéreux. Le film de Ferenc Leroget se voit donc comme le témoignage d’un temps révolu où les maladies n’existaient pas et où on pouvait se permettre de tourner n’importe quoi. Quant aux films naturistes, après la libéralisation de la censure, ils tombèrent rapidement en désuétudes, au profit des films X. L’idée de nudité se substituant peu à peu à la nudité réelle.
Bref, si vous acceptez de vous laisser entraîner par ce fabliau pseudo-experimentalisant sur pellicule, vous vous trouverez en face d’un nanar de bonne tenue (voire excellente pour peu qu’on soit bien disposé) aux vertus hallucinogènes certaines. Bien sûr, si vous n’avez pas peur du vide.
Mes amis, je crois qu’avec ce film nous avons fait là une découverte étonnante !

Dommage que le monde ne soit pas près. Bon, on va se baigner ?
Moralité :
Qu’il est bon de passer ses vacances au Camp Sunshine,
A se dorer la pilule tout en buvant de la Heineken,
Mais gare à la première bouteille radioactive que l’on trouvera,
Car quiconque la boira chopera la tourista !
Mon Dieu ! Qu’ai-je vu ?
MrKlaus : 3,5
Titre alternatifThe Monster of Camp Sunshine
Réalisateur : Ferenc Leroget
Année : 1964
Pays : Etats-Unis
Durée : 1H15
Genre : Nichon ni mauvais (catégorie : expérimental)
Acteurs principaux : Ron Cheney, Natalie Drest, Angela Evans.
COTE DE RARETE : 3/Rare
Le film est disponible chez Something Weird en double programme avec un autre film de naturisme horrifique :
The Beast that killed women lequel est nettement moins intéressant. Les bonus en revanche valent le coup d’œil puisque ce sont des petits court-métrages naturiste des années 1940. Au pire si vous ne vous intéressez pas au cinéma et que vous n’avez pas les moyens de partir, ce dvd constitue un simulateur de vacance non négligeable.
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