Titre français : 2072 Les mercenaires du futur
Titre original : Guerrieri dell’anno 2072
Réalisateur : Lucio Fulci
Année : 1984
Origine : Italie
Avec : Jared Martin, Fred Williamson, Howard Ross
Durée : 90 minutes
Catégorie : Anticipation
Genre : Ceux qui vont bien rire te saluent
Dans la vie, il y a une certaine catégorie de gens exceptionnels. Ils sont parmi nous, marchent comme nous, achètent leurs petites affaires comme nous mais on ne les voit pas. Ce sont les visionnaires. Il y a les visionnaires qui sont reconnus de l’ensemble de la population, comme Marx, Jules Verne, Léonard de Vinci, Jérôme Bosch…et puis il y a les génies de l’ombre, les grands incompris, ceux que personne n’écoute et c’est dommage. Car Lucio Fulci est un de ceux là, et à défaut d’être entendu, sa parole est retranscrite de manière indélébile au cinématographe. Et ça, c'est quand même un signe parce qu'ils sont bien mignons les autres là, avec leur papier et leur peinture, mais le cinéma c'est éternel ! A tel point que je me demande si je ne vais pas en mettre une copie dans une de ces boîtes en fer blanc destinées aux générations futures.
Drake (Jared Martin), la palourde d'un futur antérieur.
Une voix off nous annonce au début du film qu’en 2001 (pour Lucio le futur c’est déjà du passé, rendez-vous compte !) l’humanité n’est qu’un vil ramassis de crétins se vautrant devant la télé en espérant voir du sang couler. On nous apprend ainsi que deux chaînes se disputent l’audience en organisant des émissions de plus en plus violentes. La première a pour nom WBS, la seconde…on ne saura jamais, on en entendra même plus parler. Première séquence : Drake (Jared Martin) apparaît comme le héros de la scène, en compagnie de quatre autres gus sur des motos. Les cinq de se livrer un combat acharné (c'est-à-dire rouler à trois à l’heure avec quelques roues arrières, se filer ça et là un coup de pied et la chute passée en accéléré) et notre héros se relève vainqueur. Waou.
Un film avec des couloirs blancs.
Mais à la direction de la chaîne ça tonne car l’audience n’est pas encore suffisante. C’est alors qu’un bonhomme sur un écran que les gens appellent Sam a une idée de génie (enfin c’est Lucio qui l’a eu hein) : Faire revivre la Rome Antique et ces combats de gladiateurs. Oui car là nous nous retrouvons à Rome telle qu’elle le sera, enfin l’était, bon bref, vous avez compris. Drake va alors être pris avec d’autres imbéciles pour se battre dans le « nouveau » Colisée (en fait l’ancien avec quelques aménagements).
Les défauts (sympas) de ce film sont légions. D’abord rien que dans le titre : Le français, ainsi que l’italien sont d’accord pour situer l’action en 2072. Hors, la voix off dit bien « 2001 ». Remarquons aussi que l’Allemagne pour sa part préfère 2033 et un rejaquettage anglais nous annonce 2079 !! Histoire d’embrouiller encore davantage le scénario, disons que notre héros va se retrouver face à l’assassinat de sa femme. On nous annonce alors fièrement : « Il va se battre contre les meurtriers de sa femme ! ». Bon, jusqu’ici tout va bien. Pourtant vingt minutes plus tard, lors d’une projection sur grand écran de sa mémoire (sic) Sarah (Eleanora Brigliadori) l’une des secrétaires lui affirme « Voyons regardez ils étaient déjà morts avant que vous arriviez sur place, on a voulu vous faire porter le chapeau, vous êtes innocent !! ». Autant dire que nous nous trouvons là devant un paradoxe qui laisse penser que Lucio à dû égarer des pages de son script.
Alors qu’il arrive dans les cellules, Drake se retrouve face avec ses « camarades de combat ». Oui vous allez me dire que c’était censé être du chacun pour soi, mais quand je vous dis que Lucio est un visionnaire je ne mentait pas. Puisque l'on en est là, parlons un petit peu des acteurs. Drake, donc, est un grand dépendeur d’andouilles frisé dégageant autant de prestance qu’une palourde. En chemin il va rencontrer des tas de copains à savoir : Monk (Donald O’Brien) arborant un magnifique visage sous cellophane, mais aussi des vieilles connaissances en ce qui nous concerne : Akira (Hal Yamanouchi), Kirk (Al Cliver) et celui qu’on ne présente plus , Fred Williamson, Fredo pour les intimes, reprenant son rôle de méchant black moustachu futuriste. Dans celui ci, il a pour nom...Abdul le Métèque (si,si...).
Akira (Hal Yamanouchi comptant déjà outre Sangraal et Sinbad, 2020 Texas Gladiator, Le Gladiateur du Futur et 2019 après la chute de New-York à son actif, rien que ça !)
Kirk (Al Cliver, lui aussi rescapé de 2020 Texas Gladiator et du Gladiateur du Futur mais également de Mondo Cannibale)
Ainsi que notre vieux copain Fredo.
Pour ce qui est du reste du casting, nous avons droit à une belle galerie de bras cassés. Revenons un instant sur Sarah (au figuré, bien sûr). La gentille demoiselle qui joue aussi bien qu’une endive est nantie d’une perruque blonde un peu dans le style de Michelle Pfeiffer dans Scarface. L’illusion serait presque parfaite si on ne voyait un peu trop ses sourcils d’un beau brun. Ajoutons que dans le texte elle est « programmée pour mesurer le degré de violence potentiel de Drake ». Serait ce un robot ? Ne comptez pas sur Lucio pour vous donner la réponse. Un élément essentiel également en la personne de Raven (Howard Ross) le garde chiourme avec un look de Mr.Bison sado maso. Je n’invente rien, il à la même tête de mort sur son képi. Son plus grand plaisir sera d’infliger toutes sortes de traitements sadiques aux prisonniers volontaires (oui, ils sont censés être volontaires) et de balancer des rayons grattés à la pelloche sur nos héros. Signalons aussi la présence d’un super ordinateur, car un film d’anticipation ne saurait exister sans super ordinateur, qui répond au nom de…Junior. Ce dernier a beau être le plus grand cerveau qui existe sur Terre, à part dire « accès interdit » et « non-autorisé à répondre », il ne fait pas grand-chose.
Sarah (Eleanora Brigliadori) au sourcils mystérieux
Monk (Donald O'Brien) et sa tronche de reste de lasagne.
Fred et Jared, prisonniers d'un effet spécial foireux gratté sur la pellicule.
Visuellement parlant aussi, on touche au sublime. Il faut dire que Lucio est un sacré roublard du cinéma. Afin de masquer la pauvreté de son film, il va déployer un arsenal de combines et faire passer son œuvre comme une lettre à la poste.
Technique numéro 1 : Éclairage aveuglant. On ne compte plus les scènes où une, voire plusieurs lampes sont mises face à la caméra, pour bien que nos yeux demandent grâce et ne regarde l’action que du coin de la rétine. On va donc directement à l'essentiel sans s'attarder sur l'arrière plan. Au fond qu'est ce qu'on en a à faire.
Technique numéro 2 : La nuit. Quand il fait nuit noire, personne ne peut voir lors des scènes d’extérieur que Rome n’a au fond pas bougé et n’est pas devenu la maquette que l’on peut voir. En combinant cette astuce avec la première c’est encore plus radical. Ainsi la quasi-totalité du film se passe dans le noir ou en intérieur. Sur les 90 minutes de métrage, seulement 53 secondes de scène d’extérieur diurne (j'ai compté).
Technique numéro 3 : Éclairage intermittent. Il s’agit là, il faut l’avouer d’une technique assez éprouvante pour le spectateur qui se retrouve face à une partie de « Jour/Nuit » complètement surréaliste. Quand les lumières ne vont pas jusqu’à devenir carrément stroboscopiques pour recréer un hologramme (un type qui s’agite avec une combinaison blanche dans une pièce aveugle le tout éclairée par une succession de flashes).
Technique numéro 4 : La suggestion. On filme un truc, n’importe quoi en très gros plan, un bruitage foireux par-dessus et hop la magie du cinéma s’opère. Ainsi une séquence écrite et filmée par un Lucio particulièrement en forme où Monk confie un processeur à Drake pour lui permettre de « neutraliser les champs magnétiques » (ça l’empêchera pas de détruire aussi un mur avec). Ça se passe de commentaires.
"Tiens, prends ce micro processeur et mange le !"
"Miam scronch..."
"BviuuuUuuuUuUu"
"Krrzzzchhhhhh"
Ajoutons aussi des couleurs très jolies qui ne sont pas sans rappeler les effets artistico-déliroscopiques de Hal Needham pour Mégaforce. Du fushia, du rouge, du rose…on peut être une société pourrie mais colorée aussi. Que dire des décors d'intérieur ? Ma foi ce que l'on est en droit d'attendre de ce type de grande production. Du placos, des poutres en balsa, quelques diodes ça et là et des figurants costumés en Stormtrooper de carnaval et c'est du tout bon. Il a quand même tapé fort sur l'éclairage le père Fulci, la note a dû être particulièrement élevée. Je ne serais d'ailleurs pas étonné de ce que 90% du budget soit parti à la compagnie italienne d'électricité.
Le final est juste splendifique. Une dizaine de gars d’abord sur des motos trafiquées avec de la tôle puis sur des side-cars du même acabit (que Lucio ose filmer en gros plan, lui) réinventent en un seul coup Ben-Hur et ses sensations fortes. Une bataille sans merci avec moult armes en fer blanc, mannequins brulés, écrasés et décapités, masses en mousse le tout dans une ambiance Foire du Trône la plus extrême. Le top.
Je ne révélerai rien des cinq dernières minutes, qui fidèles à leur tradition, seront un grand moment de n’importe quoi. Dites vous juste qu’il se termine comme il devait se terminer. Les sidekicks et les méchants sont morts et le héros a une nouvelle keupine qu’il pourra secourir ou venger lors d’un prochain épisode. Rideau. C’était 2072 les mercenaires du futur.
On pourra regretter l’absence d’un doublage français complètement à l’ouest (bien que sur le plan du scénario, je soupçonne certains d’avoir abusé de la Guiness) et la présence de petits moments de flottements mais dans l’ensemble, ne boudons pas notre plaisir, c’est une excellente cuvée. Pour l’anecdote, Lucio Fulci raconte qu’il voulait des dômes en plexiglas pour sa Rome du futur et le producteur a préféré y mettre des grattes ciels éparpillés çà et là. Chacun sa vision du futur, tout le monde n’est pas visionnaire.
"Dis Lucio, t'es sûr que ça va marcher ton truc ?"
Note : 3.5/5
Rareté : Rare 3
Evidemment les ricains ont eu le courage de ressortir ce bijou sur galette, chez Troma DvD, pour un prix négligeable. Il existe aussi chez nos voisins d’outre Rhin sous ce même format.
Le dvd de chez Troma. Remarquez l'accroche : " 17 ans avant Gladiator" ! Visionnaire, je vous dis !!
Le dvd allemand
En France, c’est walou pour le dvd. Il vous faudra partir à la chasse de l’unique édition de chez Delta Vidéo, à la jaquette tapageuse qui vous crie au visage : « REGARDE MOI !! »
BONUS
Le rayon laser par Lucio Fulci


La femme du héros sur le point de se faire dézinguer
Le professeur Towman, créateur de Junior qui dispose d'un rôle de composition de trois minutes au plus.
Drake en rouge
Hal cabotine en rouge mais aussi en normal.
Le futur de l'an 2001
Raven à gauche avec sa casquette qui troue tout.

La (maquette de) Rome nouvelle.
Retrouvez en vidéo la mort de ce pourri de (mannequin de) Raven :
http://www.youtube.com/watch?v=7OaEBYsLRss