Immortel Bruno Mattéi. Son génie est gravé pour l'éternité dans le marbre du cinéma et continuera ainsi de se répandre dans les neurones ravagés des futures générations amenées à le découvrir.
Acharné du tournage commando, usine chimique de recyclage industriel de tout ce qui se fait de pire dans son domaine, à l'insatiable appétit toujours prêt à accueillir un acteur méprisé par sa profession, un stock-shot décrépi ou un effet spécial refusé sur le plateau du plus fauché des jeux télé, rien n'est à jeter pour ce cinéaste hors du commun qui consacra sa vie à accoucher des enfants filmiques les plus malformés qui soient. Malformés certes, mais tellement entourés d'amour par leur géniteur. Car Bruno n'a que faire des règles de bienséance cinématographique, et c'est avec force courage et détermination qu'il les accompagne lors de leur entrée dans le monde, à qui il les présente, blindé d'une confiance absolue dans leur future réussite.
Même la vieillesse ne pouvait tarir la vigueur de ce stakhanoviste de la pellicule, qui continua à enfanter sans relache jusque dans ses derniers jours.
Profitant plutôt de la sagesse que lui confère cet âge vénérable, Bruno a épuré son art, ciselant sa technique au plus fin et éliminant sans problème le gras superflu pour ne conserver que le précieux diamant. Tel un John Rambo, l'homme s'est enfin accepté tel qu'il a toujours été. Inutile désormais de tenter de maladroitement camoufler sa tendance au plagiat le plus cru ; non, désormais, il n'a plus de honte à afficher ses sources d'inspiration.
Si les années 80 étaient celles de la photocopieuse, Bruno est un homme de son époque et maitrise sans difficulté aucune le copier/coller. Mais en bon vieux nostalgique, l'inspiration ne viendra pas d'un quelconque succès récent. Pas de "Cloverhill" ni de "Terminacop 5", non, good old fashion staïle avec un pillage tellement magistral de "Aliens" que le résultat transcende son aspect rip-of tiersmondiste pour devenir un hommage vibrant au film de Cameron.
Toutefois, Bruno n'est pas un génie sans raison. Car il a son mot à dire dans sa relecture de cet incunable. Il a un défi à se lancer. "
Et si que je remplaçais les aliens par des zombies ? Ca tombe bien, j'ai quelques figurants en guenilles sous la main et ça me ferait une suite à "Island of the Living Dead"". Et pour notre réalisateur italien préféré, s'agit pas de faire semblant, non, on va s'assurer de bien disséquer chaque séquence de l'original pour être sûr de le reproduire quasiment à l'identique, nonobstant les nombreuses adaptations nécessaires du fait du changement de bestiole. Un vrai travail de démence artistique.
Et oui. Des foetus zombies...
"Zombies the Beginning" est ainsi bâti. Seule survivante d'un groupe d'explorateurs chiqués par des zombies de conquistadors (!), Sarah est retrouvée sub-mourante par la Tyler Corporation. Devant le refus du conseil d'administration d'admettre l'existence des morts-vivants, Sarah s'exile dans un monastère bouddhiste. Mais ses cauchemars flash-backs la hantent, et lorsqu'elle apprend que la Tyler Corporation a perdu tout contact avec une colonie insulaire, elle accepte de monter une escouade de militaires fanfarons pour aller voir de quoi il retourne. Sur place, tout le monde semble avoir disparu...
Un conseil d'administration qui évoque fortement celui de "Cannibal World". Notez le powerpoint sur un basketteur.
On y retrouve d'ailleurs le même capitaliste chauve dont je cherche en vain le nom. Il est ici entouré de figurants cinquantenaires qui essaient d'avoir l'air sérieux.
Sarah (Yvette Yzon) s'apprête à régler ses comptes avec ses réviviscences de "Island of the Living Dead".
Nul besoin d'en dire plus, les cinéphiles pourront ainsi reconstituer l'ensemble de "Zombies the Beginning" avant même de l'avoir vu. On se laisse très vite prendre au jeu des 7 erreurs, intrigué de savoir comment Bruno va réussir à caser telle scène ou sous quelle forme va apparaitre tel personnage, tandis que l'on s'impatiente d'entendre ses répliques favoris répétées en écho par les plus mauvais acteurs du monde doublés de la plus mauvaise post-synchronisation du monde (allez, j'exagère à peine).
Bien entendu, le budget famélique du film lui interdit d'être futuriste ; oubliez donc les navettes spatiales. Ici, on se rend sur les lieux en sous-marin (un stock-shot fort mal intégré et volé sans aucun scrupule à "Crimson Tide" de Tony Scott) puis en zodiac. Chaque étape permet de faire des coupes franches dans le budget figurants, les marines souffrant ainsi d'une chute drastique de leurs effectifs : débarqués à 30, il en reste à peine une dizaine quelques minutes plus tard.
Amiral, nous sommes entrés en collision avec un autre film !
Le chef de troupe et sa casquette à galons, Jurgens (James Paolelli), dans un numéro de sosie de Jérôme Bonaldi.
Quant au véhicule blindé qui sert de base de ralliement dans "Aliens", il devient ici une vulgaire camionette dont la crédibilité de l'équipement intérieur est inversement proportionelle à l'intensité du fou-rire qu'elle provoque. Le réalisateur ne fait par ailleurs rien pour nous aider à garder notre sérieux, reproduisant en effet une sorte de variante de la voiture à clowns en filmant un dégorgage de marines en nombre largement trop élevé pour le véhicule.
Le système informatique intérieur est composé d'un ensemble d'écran qui diffusent en dépit de tout bon sens des images du métrage lui-même, les militaires étant filmés sous différents angles par les caméras fantômes de l'équipe de tournage. C'est à se demander si cette camionette n'était pas en fait la table de montage du film !
Sont même proposés des plans de coupe différente, histoire de varier les plaisirs de la vidéo-surveillance. Sans parler de l'écran de veille Tyler Corporation.
Chef ! On vient de repérer un caméraman qui nous fonce dessus !
Oh la vache ! C'est donc à ça que va ressembler le film ?
La grande réussite de "Zombies the Beginning" est de ne jamais lasser son spectateur en le scotchant à répétition par son mélange délirant entre les éléments d'origine et les pires aberrations dont est capable notre brave Bruno Réalisator.
Et avec lui, le pire ne semble jamais atteint, avec des GI's qui caressent les cheveux de zombies engrossées qui ne demandent qu'à mourir au lance-flammes, un nain mort-vivant bénéficiant pour une raison mystérieuse d'un pédoncule oculaire sur le crâne, un sasquatch entraperçu (probablement l'équivalent de la reine-mère alien), des courses dans les couloirs d'un entrepôt désaffecté et éclairé aux spots bleus planqués derrière les fenêtres ou des détecteurs de mouvement tout droit tirés d'une remake de "Predator" sponsorisé par les plus minables marques de montres à cristaux liquides (vous savez, les grosses moches en plastique que l'on avait quand on était petit).
Je vérifie que les lieux sont déserts.
Mmmh, heuuuu, T ?
Ca devait sans doute signifier ouvrez le Troisième oeil, et le bon.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur la foultitude de petits détails nanars qui émaillent le fim, entre la gestion du hors-champs (tout zombie hors-champs est invisible pour les personnages jusqu'à ce qu'il n'apparaisse devant la caméra), les stock-shots d'usine pétro-chimique qui n'ont rien à faire là, les living dead women in cage, les explosions de boudin de sang dignes de Jeff Leroy, les tentatives de strangulation de zombie, la fin expédiée en moins de deux... Mais la liste serait fastidieuse, d'autant plus qu'on a le sentiment d'en découvrir de nouveaux à chaque visionnage.
Des expériences dont on cerne mal la finalité scientifique.
Qu'il soit californien ou italo-philippin, le Z est universel.
Evidemment, certaines séquences incontournables de "Aliens" prennent une tournure insensée dans le contexte de "Zombies the Beginning", comme ce suicide pour la gloire de deux soldats à la grenade, alors qu'ils étaient encore en état de pousuivre leur carton anti-mort-vivants. Quant à la tentative du vil traitre sodomite de Tyler Corporation de faire "fertiliser" Sarah pour la ramener discrétos sur Terre (pour en faire quoi, d'ailleurs ?), on est en droit d'avoir des doutes sur le fait que personne ne remarque la présence d'une zombie dans l'équipage.
Barker (Paul Holme), ordure moustachue de service.
Et pourtant, emporté par l'ennivrant tourbillon de la rage de Bruno qui s'accroche de toutes ses forces à sa repompe, il faut reconnaitre que l'on pourrait finir par s'y croire... jusqu'à ce que l'on aperçoive de nouveau ce van scoobidou souffreteux qui nous ramène bien vite à l'hilarante réalité.
Tadaaaaaaaaaa !
Mais en véritable expert de l'hypnose cinématographique, le bonhomme sait bien que le choc de la révélation finale sera d'autant plus intense qu'elle sort totalement du rail du script de "Aliens", pur produit d'un génie qui savait n'avoir plus rien à prouver. Je ne peux résister à l'envie de vous partager ce moment de démence terminale qui clot le métrage dans un feu d'artifice de nanar dernier stade. Mais pour préserver les âmes sensibles, je préfère baliser ce spoiler.
SPOILER
Après moults rebondissements et trahisons, Sarah décide de retourner explorer la source du mal, et découvre des enfants nus à la tête de coneheads exophtalmiques qui jouent avec des pneus et se dandinents de manière obscène. Des femmes enceintes sont engluées dans ses murs de chairs sanguinolentes, avec des gaines d'isolation implantées dans leur bide afin d'aspirer les nouvelles générations zombies lors d'accouchements bien craspecs. Le responsable de cet infâme nurserie n'est autre... qu'une couille géante dans un bocal ! Et elle peut même expliquer par télépathie qu'elle compte bien diriger le monde avec sa race de sur-hommes !!
Croyez moi sur parole, mais à ce moment-là du métrage, le cerveau est au bord de l'apoplexie, soumis à un afflux de sentiments contradictoires, entre le fou rire irrépressible et la ferveur religieuse illuminée.
Orchidos, le spécialiste de l'accouchement par césarienne...
...à la gaine d'isolation !
Tout ça pour remplir sa nurserie d'horribles jojos.
FIN SPOILER
L'ombre de Mattéi plane en permanence sur son dernier enfant, avec une réalisation qui se permet tout et surtout n'importe quoi pour mettre en scène son script profondément débile, interprété par des acteurs jetables après emploi. Même les acteurs principaux semblent être des figurants. Apparemment, Jim Gaines trainerait ses guêtres quelque part, mais pour le trouver, faudra se lever tôt.
Kramer (Diana Croyston) en mode cabotin de l'horreur.
Zamorra (Robert B. Johnson), le comique de la bande, bénéficiant d'un doublage catastrophique.
Taylor (Alvin Anson), contrefaçon italienne du Caporal Hicks.
Young (Gene Zwahir), mon second rôle préféré qui débarque en cours de film. On le voit peu, mais il prend tellement son rôle à coeur en surjouant dans le fond.
Un mot tout de même sur Yvette Yzon, qui donne vie à la ripleyenne Sarah. Actrice philippine née Maria Aurora Yvette Chio Dima, la belle commence sa carrière dans d'obscures productions locales, avant de décocher un rôle dans "A Shudder on the Skin", un des films érotiques tournés par Mattei au début des années 2000. Elle enquille alors sur "The Dark Side of a Woman", "Secrets of Women", "Orient Escape", et "Belle da morire 2", d'autres nudies, avant que Bruno et son comparse producteur Giovanni Paolucci ne décident qu'il est dommage de cantonner son talent à de si basses oeuvres ; Yvette allait ainsi pouvoir cotoyer le gotha de l'acting mondial en tournant dans le WIP "The Jail : A Women's Hell", puis dans "Island of the Living Dead", premier opus de ce qui était prévu être une trilogie. La mort de Mattéi devait en décider autrement.
Bien sûr, il serait totalement malhonnête de ma part de faire un lien entre cette ascension fulgurante et le mariage de miss Yzon avec Giovanni Paolucci.
Yvette Yzon et son actor's studio philippin.
Nul besoin d'en dire beaucoup plus sur "Zombies the Beginning" pour comprendre que l'on a ici affaire à un nanar à l'ancienne de très belle facture, réalisée de main de maitre avec la finesse d'un artisan d'une autre époque. Mattéi conclut son oeuvre sur une véritable réussite, décalque jusqu'auboutiste parachevant une des plus florides filmographies déjantées que le monde ait connu. So long, Bruno.
Un hommage lui est rendu à la fin du film...
...ainsi qu'à la fin du générique. Du grand art.
Voici un lien vers une interview en portugais de Yvette Yzon, par Felipe M.Guerra du site Boca do Inferno. La jeune femme revient sur sa collaboration avec Bruno Mattéi. Elle y décrit un homme affable et passionné, vierge de tout cynisme.
http://www.bocadoinferno.com/romepeige/ ... vette.html
Bruno Mattei et Yvette Yzon
Les mêmes avec Giovanni Paolucci (en tee-shirt USA). Celui-ci serait devenu l'âme productrice damnée de Mattéi dans la fin des années 80, permettant à ce dernier de poursuivre ses méfaits cinématographiques jusqu'à notre époque. Tout Nanarland lui doit une fière chandelle.
Giovanni est par ailleurs scénariste de "Zombies the Beginning".
Note : 4/5
Titre VO : Zombi: La creazione
Réalisateur : Bruno Mattei
Acteurs : Yvette Yzon, Alvin Anson, Paul Holme, James Gregory Paolleli, B.B. Johnson, Dyane Craystan, Gerhard Acao, Jim Gaines...
Année : 2007
Durée : 1H31
Pays : Italie
Catégorie : Zombie mon ami
Genre : The end of the Dawn
Cote de rareté : 3/Rare
Le film n'existe pour le moment qu'en édition DVD anglaise. Les plus retors peuvent aussi se tourner vers les éditions tchèques et japonaises.
Il semblerait que la société Les films de l'astre ait les droits pour la France. De là à savoir s'ils comptent distribuer "Zombies the Beginning" en DVD avec un doublage eud'chez nous...
Le DVD japonais
Le DVD tchèque.
Images bonus
Le célèbre hôpital général de l'Asie moyen-orientale.
Sappée comme cela, Yvette fait penser aux humains en forme de doigt de Di Gi Charat.
Une morgue obstétrique.
Voilà tout ce que l'on verra du mystérieux et éphémère sasquatch.