Les produits laitiers dans Inglourious basterds
Après mûre réflexion, je pense avoir compris pourquoi la scène la plus forte du film, à mon goût, est une des deux scènes de pénétration. Ce n'est pas celle où Aldo Raine enfonce son index dans le trou de balle de Bridget von Hammersmark, mais plutôt celle où le colonel Landa enfonce sa cigarette allemande allumée dans la crème Chantilly ornant son Strüedel. La symbolique que contient ce geste d'apparence anodine est très puissante.
Habitant très près de la frontière qui nous sépare de la Germanie, il m'arrive d'y faire des incursions fréquentes, et j'ai pu remarquer que l'Allemand, bien que se sentant volontiers supérieur au petit Français, notamment en matière de construction automobile, garde au fond de lui un gros complexe d'infériorité culinaire. Au risque de m'avancer un peu et de commettre une bourde historique, j'affirme que c'est très probablement depuis la Seconde Guerre Mondiale que l'Allemand vénère la crème fraîche française. Dans tout débit de boisson en Allemagne, lorsqu'on commande un café, on reçoit d'office un petit pot contenant de la crème fraîche liquide, qu'il est de bon ton de verser dans le café. Les emballages de crème fraîche, en Allemagne, portent la mention "crème fraîche" écrite telle quelle, en français !
Nombreux sont les fromages français disponibles dans les rayons des grandes surfaces allemandes, et il est courant de voir des Allemands passer la frontière rien que pour venir acheter de nos bons fromages français. Le cinéma, bien souvent, a souligné cette fascination des Allemands pour la gastronomie française et tout particulièrement pour les produits laitiers :
la Vache et le prisonnier (1959), la Cuisine au beurre (1963), le Grand restaurant (1966).
Mais si la crème de lait représente la France, elle est aussi la femme nourricière, et c'est pourquoi
(début spoiler l'assassinat de Bridget par Landa n'est pas surprenant fin spoiler) en écrasant sa cigarette dans la crème Chantilly le colonel Landa commet un acte dont la violence mysoginique est extrème. C'est en quelque sorte un acte matricide. Le désir fou du viril aigle teuton, boire au téton nourricier de Marianne, qui se heurte à une résistance farouche, c'est un peu comme si R
omus se voyait abandonné par la louve au profit de Romulus. L'Allemand est le parent pauvre de l'Europe, il n'a pas reçu l'héritage, comme le petit Français par ses aïeux Gallo-Romains, de la culture latine qu'il adore ; en témoignent les nombreuses références à Rome que firent les nazis : le faisceau du fascisme, les grandes architectures à colonnes, le salut du bras, le quadrige de Berlin, et même avant le nazisme le titre d'Empereur dont s'était emparé le dirigeant allemand.
Déjà Louis XIV avait remarqué cela, lorsqu'il s'adresse à son fils dans ses
Mémoires :
Citer:
... pour en revenir aux empereurs d'aujourd'hui, il vous est aisé, mon fils, de comprendre par tout ce discours, qu'ils ne sont nullement ce qu'étaient les anciens empereurs romains, ni ce qu'étaient nos aïeux. Car à leur faire justice, on doit les regarder seulement comme les chefs et les capitaines-généraux d'une République d'Allemagne, assez nouvelle en comparaison de plusieurs autres Etats, et qui n'est ni si grande ni si puissante qu'elle doive prétendre aucune supériorité sur les nations voisines.
Enfin, pour clore cet exposé pseudo-magistral certainement truffé d'erreurs grossières, une dernière petite référence trouvée dans
Inglourious basterds : Shosanna éconduit le sniper allemand épris d'elle en tentant de l'orienter vers les femmes de Vichy. Or, il existe un potage nommé "vichyssoise", qui est très riche en crème fraîche.