C'est officiel, je suis blasé par rapport au cinéma français.
Bien sûr, je n'ai pas vu ce film et peut-être qu'il sera vraiment bien mais ce que je constate, c'est que je n'y crois plus. Pendant un temps, je me fiais aux critiques dithyrambiques de Mad Movies ou des Inrocks qui annoncent une nouvelle ère du cinéma de genre français à intervalles réguliers depuis près de dix ans mais à chaque fois, je suis tombé de haut : scénario très mal ficelé, acteurs moyens, mise en scène et direction d'acteur inexistante... Avec la meilleure volonté du monde (je suis très bon public et crois que tout film peut m'apporter quelque chose), je n'arrive plus à faire confiance à ces initiatives. Ce n'est plus du cinéma à petit budget porté par l'enthousiasme et l'envie de bien faire d'une équipe soudée et créative, c'est du fan-art à gros moyens dans le sens où ces films ne sont souvent qu'un copier-coller de tout ce qui fonctionne dans les films que l'on vénère mais d'où il ne sort qu'un magma sans âme de références mal digérées, avalées trop vite et donc régurgitées au lieu d'être assimilée et disséminée dans l'organisme pour le renforcer. (C'est au passage toute la différence entre le cinéma de Besson et celui de Tarantino). Et quand les films ne marchent pas, on fout tout sur le dos du public ou de la critique, qui n'est pas prêt(e), qui a de la merde dans les yeux ou qui a peur de tout ce qui est nouveau. Ah, on est bien seul quand on est un génie précurseur.
Tout ça pour dire qu'en parcourant ce topic, j'ai réalisé qu'aujourd'hui, il n'existe pas un seul cinéaste français dont l'annonce de la sortie d'un nouveau film me donne le sourire pour une semaine entière et dont le délai entre cette annonce et la sortie du film me paraît interminable, pas un seul qui me pousserai à poser des congés pour aller voir le film à la première séance du jour de sa sortie, peut-être plusieurs fois de suite... Enfin si, un. Albert Dupontel. Mais on ne peut pas dire qu'il en sorte souvent, des films. On trouve tout l'univers de ses spectacles dans ses films ainsi que l'influence de ses maîtres : Terry Gilliam, Les Monty Pythons ou les frères Coen, influence qu'il a su appliquer à un cinéma qui lui est propre et immédiatement identifiable. L'écouter parler de ses influences est un véritable plaisir, on le sent enthousiaste comme un gosse, tellement passionné par son sujet qu'il a besoin de communiquer ses sentiments, ses émotions, à la différence de ces autres qui revendiquent l'influence (l'héritage? ha ha ha, mais non voyons, je suis bien trop modeste) de Romero, Argento ou Fulci à longueur d'interview afin que l'on soit plus indulgent avec leur nouveau "cri du coeur d'un authentique fan de films de genre" (les plus inspirés ont l'idée foutrement originale de faire regarder lesdits films à leurs personnages ou à en placarder les affiches en guise de déco d'appartement dans un hommage clin-d'oeil larmoyant aussi inutile qu'à côté de la plaque). Dupontel fait un cinéma inclassable, personnel et aussi travaillé sur le fond que sur la forme. Dupontel est un cinéaste de genre. Dupontel est un auteur. Ses films sont ambitieux, de véritables OVNI visuels demandant un véritable investissement à tous les niveaux de la création, de la part de toute l'équipe. Et en plus, ils ne marchent pas vraiment en salle. Et pourtant il est toujours là.
Par la présence d'Albert Dupontel dans le cinéma français, je crois pouvoir affirmer que le cinéma de genre français existe, qu'il a un potentiel, peut se développer mais sa marche est entravée, à mon avis moins par la critique, le public lambda ou le cinéma traditionnel que par ceux qui croient le défendre avec des projets indigents, sans maîtrise ni recul ni même remise en question de l'outil cinématographique. On nous dit que c'est grâce à ces initiatives maladroites qu'un jour, le cinéma de genre s'épanouira et occupera la place qu'il mérite dans le paysage cinématographique hexagonal mais je crois sincèrement qu'ils produisent l'effet inverse : chaque nouveau film, chaque nouveau ratage rend les producteurs plus frileux, les spectateurs plus méfiants, les critiques moins réticentes à flinguer un film cherchant à s'éloigner des sentiers battus. Essayer, oui, mais avant tout se remettre en question, s'interroger sur les raisons qui nous poussent à faire un film : passion, besoin irrépressible de communiquer des idées ou un point de vue sur le monde ou alors caprice, satisfaction de son ego ou désir d'être le fer de lance, le Messie... Et à ceux qui pleurent sur le manque de moyen accordé aux films "atypiques", je rappelerai deux choses :
1/ Certains des plus grands films de genre ont été fait sans budget ni acteurs pros par des gens passionnés qui compensaient tout ça par une créativité et une utilisation ingénieuse de techniques cinématographiques telles que la suggestion ou un montage cache-misère efficace.
2/ Il y a à peine dix ans naissait Bee Movies, société de production qui proposait à de jeunes et fougueux cinéastes des moyens relativement importants, un contrôle sur leur films et une sortie dans un nombre honorable de salles. A deux-trois exceptions près, le résultat fut catastrophique...
Peut être que certains diront "mais putain mais si t'aimes pas ce cinéma, ne cherches pas à en dégoûter les autres !". le problème est justement que j'adore le cinéma de genre et toutes les autres formes sincères de cinéma d'auteur. Quand je regarde un film, j'aime ressentir toute la passion que le cinéaste y a mis, toute l'énergie qui se dégage d'un projet porté par une équipe qui sait ce qu'elle veut et qui prend un véritable plaisir à raconter son histoire. je suis prêt à tout pardonner à un film quand je sens qu'il a été fait avec passion, avec sincérité. Mais la plupart des tentatives de films de genre m'apparait désespérément creuse et prétentieuse. cette impression n'est pas le fruit d'une longue réflexion analytique sur le film, ses acteurs, sa photographie, son montage, c'est juste ce que je ressens quand défile le générique de fin. Je ne ressens pas la satisfaction que je ressens après avoir vu un film dont la créativité et l'énergie est une source d'inspiration, ni le contentement résultant de la vision d'un film simplement efficace. C'est juste... vide.
PS : je sais que la plupart des idées développées ici ont déjà été postées dans d'autres topics, par touches plus succinctes. J'ai choisi de poster un message résumant ma position sur un sujet qui me tient à coeur afin de ne plus polluer d'autres topics par des messages boursoufflés de mauvaise foi et d'agressivité difficilement contenue. En résumé : voilà, c'est dit, je passe à autre chose.
_________________ Lawrence Woolsey, précédemment connu sous le pseudonyme de deathtripper21...
"Godfrey Ho a beau avoir trouvé des Kickboxeurs américains, le duel entre la mariée et la robe restera LA baston du film." Plissken
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