Bon, un mois plus tard, et par nostalgie, je ne résiste pas à la tentation de vous parler des sorties de décembre.
J'avoue que je ne connaissait pas Henry James avant de voir les films de ce coffret. Et ça m'a donné envie d'en lire plus. S'il n'a pas écrit que du fantastique (loin de là), James aborde le genre de façon intéressante : restant fidèle à ses thèmes et sujets de prédilection, la noblesse anglaise du XIXe siècle, ses rituels, légendes et secrets, il nous rapporte des histoires où l'on ne sait jamais trop ce qui relève de la paranoïa et du fantastique dans des histoires suffisamment prenantes pour que l'on ne se sente pas frustrés en fin de film de ne pas savoir vraiment ce qui s'est passé. Une fois le visionnage fini, on peut disserter à n'en plus finir sur l'aspect psychologique voire psychiatrique des événements...
En ce sens,
Le tour d'écrou démarrait avec le handicap d'être comparé avec une précédente adaptation par Jack Clayton, Les Innocents, avec Deborah Kerr dans le rôle principal. Mais pour avoir vu les deux versions, j'avoue que chacune a ses mérites et l'adaptation de Raymond Rouleau avec Suzanne Flon, Robert Hossein et Marie-Christine Barrault ne démérite pas dans ce portrait d'une gouvernante d'un certain âge qui, apprenant l'histoire d'amour tragique ayant eu lieu dans le château où elle vient exercer son boulot, voit apparaitre les revenants des amants lesquels semblent vouloir prendre possession des enfants dont elle a la garde.
Titre le plus ancien du coffret, La redevance du fantôme est mon préféré, pas tant à cause de son sujet que par sa réalisation. Dirigé par un jeune Robert Enrico tout juste revenu des USA où il avait tourné un épisode de La quatrième dimension, ce film tourné en 16mm est mis en scène de façon très pro et très cinématographique. Il aurait aussi bien pu sortir au cinéma (il a d'ailleurs fait partie des titres projetés à la Cinémathèque lors de sa rétrospective Cinéma fantastique français en avril mai dernier). On y retrouve Stéphane Fey, Michael Lonsdale et la jeune Marie Laforêt dans cette histoire d'un jeune étudiant en théologie qui va s'intéresser de près à une maison que l'on dit hanté par le fantôme d'une jeune fille morte de chagrin, fantôme qui ressemble énormément à une jeune chanteuse de bastringue vivant à des kilomètres de là...
Les deux derniers titres du coffret sont extraits de l'anthologie "Nouvelles d'Henry James" produite en 1974 mais diffusés en 1976, des suites de l'éclatement de l'ORTF. Dans
De Grey, réalisé par Claude Chabrol, on nous raconte la malédiction d'une famille dont l'aîné de chaque génération est condamné à voir son premier grand amour mourir dans des circonstances aussi brutales d'inexplicables et dans
Un jeune homme rebelle de Paul Seban, un jeune aristocrate refusant d'embrasser la carrière militaire comme le reste des hommes de sa famille est amené pour prouver qu'il ne prend pas cette décision par lâcheté à aller passer une nuit dans une chambre de la demeure familiale hantée par l'esprit d'un ancêtre qui ferait mourir de frayeur quiconque voudrait s'y installer.
Si le Chabrol est en lui-même assez mineur, il reste fidèle aux thèmes du cinéaste et certains choix de casting qui m'avaient un peu rebuté au début se trouvent justifiés par la description faite des personnes dans la nouvelle.
Un Jeune homme rebelle est plus intéressant et j'avoue avoir vraiment aimé le troisième acte où Paul Seban met très adroitement en scène la nuit de terreur du personnage principal.
La peau de chagrin de Michel Favart
Bonne adaptation du classique de Balzac où comme pour les Henry James, se pose toujours la question de la réalité de la malédiction dont est victime le héros. Déjà malade au début du film, son état empire-t-il du fait de son pacte fait avec l'antiquaire ou sa santé se détériore-t-elle naturellement?
Au premier visionnage, j'avais moyennement aimé ce film mais il s'est avéré plus riche que je ne l'avais cru, regorgeant de choix de casting et de mise en scène intéressants. Déjà, le réalisateur a choisi de nombreux comédiens adeptes du théâtre d'Antoine Vitez. Un jeu intériorisé, tourmenté qui finit par être prenant. On retrouve aussi au casting la jeune Catriona MacColl alors (en 1980) en pleine union sacrée avec Lucio Fulci. Comme on a en plus droit à un full frontal de la jolie demoiselle... Enfin, niveau curiosité, on peut s'amuser à chercher le jeune Jean-Hugues Anglade dans un micro-rôle, ayant lui aussi été élève de Vitez comme le prouve cette archive où il apparait en compagnie d'une jeune comédienne qui allait elle aussi avoir un beau parcours cinématographique :
http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CAB7900888001/conservatoire.fr.htmlA noter pour finir un choix intéressant dans la scène de l'opéra : faire jouer La Symphonie Fantastique, oeuvre contemporaine de la parution de La peau de chagrin, au thème assez proche de celui de l'oeuvre de Balzac et mis en scène selon les consignes de Berlioz avec distribution de livret explicatif à l'entrée et avec les musiciens cachés derrière un grand rideau. Les réactions du public dans la scène sont assez fidèles à celles des spectateurs de l'époque.
La métamorphose de Jean-Daniel Verhaeghe
J'avoue que ce titre est vraiment mon coup de coeur de cette vague de décembre. Déjà très fan de l'oeuvre de Franz Kafka, j'ai beaucoup aimé la façon dont la nouvelle originale a été traitée. Fidèle à la volonté de Kafka dont l'insectoïde principal échappe a toute description précise, le réalisateur a l'idée d'utiliser un prototype de mini-caméra ancêtre des fibres optiques appelée Paluche (et jusqu'ici réservée à l'émission Droit de réponse de Polac) et filmera donc les séquences concernant Grégoire dans un principe de long plan séquence en caméra subjective avec voix off (Sami Frey), la maniabilité de la caméra et sa petite taille permettant de grimper aux murs, au plafond, de se réfugier sous le lit. On est dans la peau du personnage, on ressent le danger quand une chaise tombe, la peur et la vulnérabilité quand Grégoire est menacé d'être écrasé sous un talon de chaussure ou frappé avec une canne et la technique de l'époque, ne permettant qu'une image noir et blanc colorisée en sepia, renforce l'étrangeté du point de vue de Grégoire. A noter un casting trois étoiles avec Julien Guiomar, Madeleine Robinson et Pierre Etaix, comédien rare et cinéaste récemment redécouvert par la ressortie intégrale de ses films après des années de bataille judiciaire :
http://forum.nanarland.com/viewtopic.php?f=29&t=17062&Pour la petite histoire, ce titre a été produit et diffusé dans le cadre d'un hommage à Kafka pour le centenaire de sa naissance, précédé d'un numéro spécial de l'émission Boite Aux Lettres dont l'invité principal était Pierre Desproges :
http://www.ina.fr/video/I12331333/jean-francois-josselin-a-propos-de-l-adaptation-televisee-de-la-metamorphose-de-kafka.fr.htmlNotons pour finir que, par hasard, deux des titres de cette collection, La peau de chagrin et La métamorphose ont une interprète en commun, la jeune Anne Caudry, petite fille de Bernanos aussi belle que talentueuse et bien trop tôt disparue...