Bonjour. Voici ma chronique du "Survivalist" avec Jack Tillman. Je vous souhaite une bonne lecture.
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THE SURVIVALIST

Titre original : The Survivalist
Titres alternatifs : Opération survie
Réalisateur : Sig Shore
Année : 1987
Pays : États-Unis
Genre : Apocalypse naze (catégorie : Pur et dur)
Durée : 1h33
Acteurs principaux : Steve Railsback, Marjoe Gortner, Cliff De Young, Susan Blakely, David Wayne, J. Kenneth Campbell, Sandra Lea, Jason Healey

Prologue intimiste :
Des fois, on n'a pas les yeux en face des trous. Cette expression convient plutôt bien à mon attitude lors de ma découverte du "Survivalist". Imaginez... une petite ville de province sans cash converter, sans dépôt vente, sans vidéo club, sans boutique d'Emmaus, avec deux trocs et puces par an et par ailleurs sans mise en valeur d'aucune sorte des petits commerces ou du patrimoine puisque la mairie balance tout l'argent public dans des statues d'art contemporain immondes. Bref, pas l'endroit rêvé pour une chasse aux nanars. Et voilà l'univers de notre apprenti nanardeur qui regarde les "Yor le chasseur du futur" commandés sur priceminister en solitaire et n'a jamais connu l'euphorie et l'hilarité complice d'un visionnage en groupe (c'était avant qu'il est le privilège de se rendre à la Nuit Excentrique et passe d'un coup à 600 nanardeurs dans une ambiance de folie).
En ce samedi après-midi, il parcourt la rue principale et s'arrête à la Maison de la Presse où l'attend un bac de DVD soldés juste à l'entrée. Chouette alors ! Il farfouille et achète un DVD du "Retour de Sandokan" d'Enzo G. Castellari. Une semaine plus tard, il retourne chez ce marchand de journaux, farfouille à nouveau et déniche un titre magnifique : "Un cas de force majeure" avec... Ted Prior (délicieux polar d'action californien à l'ambiance nanarde envoutante) ! Deux semaines plus tard, il repasse à nouveau devant ce mini-stand et recommence son orpaillage, constate que le filon a réduit de moitié ("preuve que je ne suis pas seul sur le coup" pense-t-il) et arrête son regard sur un DVD auquel il n'avait pas prêté attention jusque là.

Tu dieu ! Comment n'a-t-il pas été ébloui plus tôt par ce visuel sublime où un gros dur en blouson de cuir pointe sa grosse pétoire dans la direction du client sur fond de champignon atomique ? Comment n'a-t-il pas saisi cet objet dès la première fois en lisant le titre arrogant "The survivalist" et les accroches bourrines "Un seul mot d'ordre : survivre !" et "Dans un monde livré au chaos, il est l'ultime rempart" ? Comment n'a-t-il pas commis un vol à l’étalage au vue du résumé et des images au verso décrivant une œuvre mêlant film catastrophe, apocalypse nucléaire, bikers et action revancharde testostéronée ?
Alors qu'il vit dans un désert nanar, il ne se précipite même pas sur l'occasion de s'abreuver jusqu'à plus soif d'une source qui n'attendait que lui et s'y prend à trois fois avant de puiser toutes les vidéos potables dispersées parmi les disques de fitness et de feux de cheminée ! C'est une page sombre de mon histoire de nanardeur, comme vous pouvez le constater. Mais il y a eu plus de honte que de mal car le nanarophile inexpérimenté que j'étais s'empare immédiatement de ce trésor inconnu dont il va estimé la valeur sans plus tarder.

De retour chez lui, il jette un coup d’œil plus attentif à la fiche technique. Un film "avec Jack Tillman" proclame la jaquette. Qui ça ? Jamais entendu parler, mais si la jaquette met le nom de l'acteur principal à la place de celui de son personnage dans le résumé, c'est qu'il doit être connu, se dit naïvement notre nanardeur. Il met le disque dans son lecteur, arrive le menu lambda avec "Film" et "Chapitrage", il va d'abord par curiosité dans la sélection des chapitres pour s'assurer qu'il n'a pas affaire à une arnaque d'un Prism-like qui lui vendrait un téléfilm policier allemand comme un film d'action et découvre quelque chose d'un peu plus soigné avec des chapitres portant des titres allant de "État d'urgence !" à "Œil pour œil !" (c'est signé MAP, un éditeur bon marché mais plutôt fiable, avec toujours des titres rigolos pour les chapitrages), puis il sélectionne enfin le film.

Une jaquette anglaise mensongère (vous ne verrez pas de mutants dans ce film).
A présent, je suis en mesure de vous dire LA VÉRITÉ ! Jack Tillman n'existe PAS ! Ce n'est qu'un personnage de FICTION ! La jaquette nous a MENTI ! Jack Tillman, en vrai, c'est Steve Railsback, un acteur formé à l'actor's studio célèbre pour ses prestations de serial-killers dans "Helter Skelter" (pour se préparer au rôle de Charles Manson, il restait parait-il enfermé deux heures par jour dans un placard !) et "Ed Gein", et dont la carrière connaissait alors un creux bisseux alimentaire. Entre "Escape 2000" (survival futuriste où des taulards sont traqués à l'aide d'un loup-garou par des chasseurs pleins aux as), "Trick or Treats" (slasher réputé con comme la lune avec David Carradine), "Commando Oublié" (sous-Portés Disparus avec Keith Carradine), ou plus récemment "Slash" et "King of the Lost World", sa filmo connut souvent la dèche budgétaire et artistique des films d'exploitation. D'ailleurs, sans remettre en question ses capacités de comédien, il devait être plus que conscient que son talent ne serait pas mis à l'honneur avec ce film car il tire tout du long une tronche de six pieds de long qui n'a rien à envier à Chris Mitchum en matière de regard droopyesque. Retenez bien cela car cette démotivation extrême de l'acteur principal est plus importante que d'habitude pour bien saisir la nanardise du film.

"The Survivalist" a cela de curieux qu'il reprend la plupart des éléments et le contexte du post-apocalyptique mais qu'il s'agit d'un pré-apocalyptique, tenant autant du film catastrophe et du road-movie que de l'actioner pur et dur. Le pitch est simple : une bombe atomique explose en Sibérie et l'URSS suspecte aussitôt les États-Unis et menace de riposter. La loi martiale est déclarée et la population, cédant à la panique, crée un chaos sans précédent dans un pays où la garde nationale, pour maintenir l'ordre, finit par faire régner la terreur et recrute des hell's angels pour grossir ses effectifs. Voilà un postulat plutôt intéressant et plus original que les éternelles bagarres entre punks et survivants crasseux dans des carrières de graviers que les Italiens ont fini par nous faire apprendre par cœur. Oui, original, en apparences surtout. Car bien que le réalisateur parvienne avec de très petits moyens à créer un climat crépusculaire d'anarchie et d'angoisse plutôt crédible et prenant, on retrouve bien les habituels situations du désordre général d'un monde où c'est chacun pour soi, la milice fascisante et ses exactions gratuites (ici la garde nationale), le manichéisme primaire, les hordes de motards ignobles pillant, violant et tuant dès qu'ils n'enfourchent plus leurs 125cm3, la course-poursuite finale et le héros solitaire qui va rendre la justice dans tout ce bordel.

Le réal' fait péter le stock-shot de bombe H...

...un porte-parole du gouvernement nous annonce d'une voix émue la catastrophe imminente devant un rideau de douche...

...les idéaux partent en fumée,...

... Titine aussi,...

...la racaille fait sa loi...

"L'ultime rempart" a du pain sur la planche.
Parlons donc du héros, Jack Tillman. Jack est un vrai dur, c'est même un "roi de la survie". Car comme 90% des héros de films d'action des années 80, Jack est un ancien du Viêt-Nam donc la Troisième Guerre Mondiale, l'holocauste nucléaire et les bandes armées qui vandalisent à qui-mieu-mieu, ça ne lui fait pas peur à Jack, ça lui en touche même une sans faire bouger l'autre. Mais il est quand même un peu inquiet pour sa famille, surtout son jeune fils qui est en colo à l'autre bout du pays. Comme le gouvernement et tout le système sont en train de se casser la gueule, Jack doit passer prendre de l'argent à la banque, logique quoi. Il dit alors à sa femme de se barricader dans leur maison jusqu'à son retour mais comme elle n'a pas fait le Vietnam, elle n'est pas une reine de la survie, donc elle laisse la porte ouverte et aussitôt Jack parti, trois pillards déboulent et les massacrent elle et sa fille. C'est malin, voilà notre héros veuf. Ah ces bonnes femmes, on peut pas les laisser cinq minutes...




Face à la violence, Jack a la réponse.
Jack prend alors la route au volant de son 4x4 pour chercher son fils et embarque avec lui un couple d'amis, un médecin joué par l'ex-rockeur Cliff De Young et une infirmière jouée par l'ex-top model Susan Blakely. Ces deux là non plus n'ont pas fait le Vietnam, notre Survivaliste sera donc obligé de les protéger des bikers et autres racailles qui pullulent en cette saison de fin du monde. En revanche, un autre qui lui a bien fait le Vietnam, va coller aux basques du Survivaliste. Cet autre vétéran c'est Marjoe Gortner (
MARJOE GOOORTNEEER !!!), un ancien compagnon d'armes de Jack qui ne peut pas le piffrer depuis l'armée. Comme il commande la garde nationale dans le secteur, il fait croire à ses supérieurs que Jack est un fauteur de troubles pour lui lancer une chasse à l'homme à la tête de sa troupe de mercenaires. Le monde entier voit les actes de barbarie se multiplier, les meurtres ont lieu dans tout le pays, on est au bord de la Troisième Guerre Mondiale et on dépêche toute une armée pour attraper un seul homme parce qu'il a cassé une vitrine. Passons...

Hit the road Jack...


"Je t'aurai Tillman, je t'aurai..."
Suivant cette exposition des faits, Jack est donc le gentil, le héros viril auquel le spectateur doit s'identifier et qui doit susciter l'admiration de tous les vrais Américains, par opposition à l'ignoble Marjoe, pure caricature du salopard fini, brutal, sadique et traître, et de sa bande de brutes et de marginaux. Car comme le proclame la jaquette,
"Face à l'apocalypse, seul un homme croit encore à l'avenir de son pays. Pour que triomphe la justice et la liberté, Jack Tillman prend les armes et élimine la vermine avec panache !" Toujours prêt au pire ! Seul contre tous mais ne baissant jamais les bras ! Prenez-en de la graine, Jack Tillman est le modèle à suivre !
Sauf que...
Sauf que Jack Tillman n'est qu'un gros CONNARD !!! On a affaire à l'un des héros les plus intolérant, brutal et borné de l'histoire du cinéma d'action de série B. Si on y ajoute le regard de cocker de Steve Railsback, on tient là le héros le plus antipathique depuis longtemps. Un sadique tout rigolard et fier de lui quand il abandonne deux flics menottés à leur voiture le pantalon baissé en pleine nuit, à la merci des rôdeurs, juste parce que ces deux teigneux lui avaient barré la route. Un macho dominateur, veuf inconsolable très relatif puisqu'il se tape la femme de son meilleur ami quelques semaines seulement après le meurtre de sa propre épouse (plan nichons sur fond de saxophone langoureux offert). Un sombre bourrin qui braque les banques au bulldozer avant même que la situation ne devienne réellement chaotique, se contre-foutant des plus élémentaires consignes de sécurité et se comportant comme le dernier des hooligans alors qu'il est sensé constituer "l'ultime rempart" de l'humanité ! Une brute à la mentalité de redneck présenté comme le plus solidaire mais dont toute l'attitude prône le "chacun pour soi", doublé d'un Droopy aux airs de dépressif en phase terminale aussi mou qu'un mollusque hors de sa coquille. Et le pire c'est que le réalisateur semble vouer une réelle admiration pour son héros, idéalisant un réac' individualiste et violent comme le ferait n'importe quel réal texan collectionneur d'armes fétichiste et militant républicain de base. Ce alors que Sig Shore est originaire d'Harlem et importa de nombreux films russes pendant la Guerre Froide et distribua "Les 400 coups" de François Truffaut, "Hiroshima Mon Amour" d'Alain Resnais et "Black Jesus" de Valerio Zurlini sur le territoire US. Il eut également l'honneur de diriger Robert Ginty et est le producteur de la saga culte de blaxploitation "Superfly". Quoi qu'il en soit de sa notoriété et de ses brillants états de service durant la Seconde Guerre Mondiale, la démarche de Sig concernant ce "Survivalist" a de quoi ravir le nanardeur. "De toute façon, ce Survivaliste c'est un mec qu'à des couilles, et c'est tout ce qui comptera pour le public !" a-t-il dû se dire.



Seuls les plus démotivés survivront...

Le héros en mode camouflage-commando.
Mais l'autre star du film, à même de contrebalancer le monolithisme geignard de Jack Tillman/Steve Railsback par son cabotinage, c'est Marjoe Gortner. Aaah Marjoe ! Un génie de l'acting dont la bio, encore absente de ces lieux à l'heure où j'écris, ne manquera certainement pas de garnir un jour ce site tant tout dans son jeu et sa coupe de cheveux est fait pour combler le cinéphile déviant. Ici, Marjoe, loin de calmer sa nanar-attitude, se déchaine littéralement dans l'outrance la plus grand-guignolesque. Composant une raclure de bidet sans scrupules, meneur d'hommes impitoyable, avec la même énergie que quand il était Akton le contrebandier interstellaire dans "Star Crash", Marjoe est un ravissement de tous les instants. Nous gratifiant de grimaces dont lui seul a le secret, il joue au gros dur et roule des mécaniques sur sa moto, défie les motards en combat singulier pour montrer qui c'est le patron, abuse de l'autorité que lui donne sa fonction tandis qu'il lèche les pompes de sa hiérarchie d'un sourire fielleux, se réjouit secrètement de la situation, prend des airs constipés la plupart du temps, éructe de haine à la pensée de son ennemi et se pose en défenseur de la loi et de l'ordre alors que c'est le pire de tous les fouteurs de souk qui maraudent sur les routes où les honnêtes gens fuient les villes à feu et à sang (le pire après Jack Tillman lui-même bien sûr, qui est un champion dans la discipline qui consiste à aggraver un désordre déjà bien lourd à gérer pour les autorités). Il deviendrait le maître du monde après la Bombe s'il ne mourrait de façon ultra-grotesque de la main du Survivaliste au terme de sa traque (bah oui, je spoile, mais vous vous attendiez à quoi franchement ?), nous livrant une performance sublimée par un doublage génial dans ce qui constitue le clou et la meilleure scène du film.

"J'vais te montrer que je fais mieux la gueule que toi, Tillman !"
Mode constipation aigüe :


Mode "je suis content" :


Enfin, évoquons les figurants. C'est un véritable festival de trognes comme on n'en voyait que dans les années 80. Entre sbires ahuris et moustachus de tout poil, on ne sait plus où donner de la tête. C'est bien simple, tous auraient pu jouer des ninjas dans un Godfrey Ho, voire des hippies amateurs des "Gullies" dans "Blood Freak". Petit tronchoscope des derniers jours de la civilisation :



Des loulous hyper-inquiétants !



Loulous par-ci, loulous par-là...

Un shérif bouseux et son adjoint qui viennent de comprendre qu'ils n'auraient pas du faire chier le Survivaliste.

Celui-là, on ne voit pas très bien mais il a vraiment une tronche d'anthologie.





Ouaaaiiis ! Faites péter les Harley les mecs !
Librement adapté d'une série de romans pulp de Jerry Ahern, ce film est donc un survival bourrin et fauché très marqué années 80 et se prenant très au sérieux qui fera rêver les amateurs de cinéma navrants et les fans de survivalisme frustrés par l'échec des prophéties mayas 2012. Clin d’œil à tous les amateurs de pêche, de feux de camp, de grosses pétoires, de matos militaire et de couteau de survie. Pas un sommet du nanar, mais le témoignage plaisant et cocasse des peurs et des fantasmes d'une époque et d'un réalisateur capable de trouver sympathique un naze absolu comme Jack Tillman.

La série de romans originaux, avec lesquels le film n'entretient qu'un rapport très lointain.
Icono :
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http://www.gdprice.com ,
http://www.amazon.co.uk ,
http://www.priceminister.com et
http://www.post-apocalypse.co.ukNote : 1,75/5
Cote : 2, trouvable. Un DVD zone 2 sorti chez MAP attend les vrais survivalistes dans les cashs et les bacs à soldes.