Bonjour. Comme promis, maintenant que Crash Therapy s'est cassé la tête à trouver ce joyeux nanar à la suite de mon annonce dans "Bourses aux nanars", je vous livre ma chronique encore à chaud de cette œuvre dont j'espère me montrer digne. Je ne vous cache pas que j'ai un peu le trac

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ANTAR AU PAYS DES ROMAINS
Titre original : Antar fi bilad ir ruman/Antar fi biled el Romane
Titres alternatifs : Anter, Antar in the land of the Romans
Réalisateurs : Orhon M. Ariburnu et Samir El Ghousaini
Année : 1974
Pays : Turquie/Liban/Égypte
Genre : Antar ! Antar ! J'ai rendez-vous quek' part ! (
Catégorie : Péplum)
Durée : 1h31
Acteurs principaux : Mohamed Al Mawlaa, Yavuz Selekman, Abdallah Fawaz, Sayed Al Maghrabi, Silvana Bedrana, Ahu Tuqba, Nurhan Nur, Gönül Tansel

Le nanardeur est un aventurier en perpétuelle recherche d'absolu, et le voyage qui conduit au Divin Nanar est souvent semé d'embûches. Plus qu'une tâche ardue, c'est une quête. En guise de préambule à ma chronique et pour vous mettre dans l'ambiance épique du film, j'aimerais vous conter les exploits du chevalier Crash Therapy, forumeur adoubé de Nanarland, et le récit de sa quête tel qu'il m'a été rapporté en présence de Messire Paul Kersey, honorable chevalier au service de la cause nanarde et membre actif du forum nanarlandais. A la suite d'une missive lancée par votre humble serviteur lui-même à la Communauté de l'Ann-Eaux Sauvages (bon, en clair, j'ai passé une annonce sur le Forum Nanarland) car j'avais découvert dans les archives manuscrites du net l'existence de ce trésor inconnu qu'est
"Antar au pays des Romains" et que des témoins oculaires anglo-saxons décrivaient comme un joyaux éclatant de ringardise, le preux chevalier Crash Therapy se porta volontaire pour la Sainte Mission de retrouver ce nanar perdu.
Une quête périlleuse, impossible, dont il vint pourtant à bout par son courage et sa ténacité, mais au prix de quels efforts ! L'objet légendaire était pour ainsi dire introuvable, oublié des hommes, le film était apparu en salles en France le 18 de Mai de l'an de Grâce 1977 en bénéficiant d'un visa d'exploitation, mais ne fut jamais distribué dans l'hexagone par la suite. Pis encore, le CNC détient tous les droits de la bobine de la version française d'époque, rendant pour le moment cette précieuse relique inaccessible à l'ensemble de l'humanité. Mais après moult péripéties, recherches désespérées, déconvenues harassantes et efforts surhumains accomplis aux quatre coins du monde (vous me le dites si j'en fait trop, hein ?), la persévérance et l'abnégation du preux chevalier furent récompensées. Messire Crash Therapy affronta les périls mais ne renonça jamais, il connut les défaites et les désillusions mais ne perdit jamais la Foi. Il me livra alors ce Saint Graal nanar, me confiant la tâche lourde de responsabilité d'apporter la lumière à tous les peuples. Puisse-je me montrer digne de son héroïsme.
Le héros au cœur pur et son fidèle sidekick enfourchent leurs canassons en direction d'un horizon d'aventures en mousse.Car l’œuvre qui nous occupe nous conte aussi une quête, celle d'Antar, le chevalier du désert. Notre héros désire épouser la belle Abla, mais le père de celle-ci ne lui accordera la main de sa fille qu'à la condition qu'Antar accomplisse une série d'épreuves mortelles (un peu relou, beau papa dis donc ! Il a intérêt à être un peu moins capricieux s'il veut pas finir à l'hospice, le vieux !). Antar doit lui rapporter la plus belle robe du monde (ou un châle, ce n'est pas très défini) qui appartient pour l'heure à une sorcière, et qu'il devra conquérir en passant par le royaume des damnés (enfin je suppose que c'est ça car on voit des gens enchainés qui gémissent dans un souterrain en papier mâché); puis il devra ramener "le plus beau diamant, protégé et gardé par de puissants génies" (en fait une bande de catcheurs moustachus); et enfin, il lui faudra conquérir "la plus belle ceinture, portée par la fée Sylvestre".
Antar, accompagné de son fidèle serviteur Moulad, se rend auprès d'un ermite qui l'initie et le prépare à son voyage. Au cours de ce périple, Antar parvient, comme le dit le titre, "au pays des Romains" dominé par la méchante reine Claudia. Voilà pour le pitch, plaisant mélange de péplum et d'éléments d'heroic fantasy. Le film démarre assez doucement, la première demi-heure étant plus proche du bon vieux bis exotico-kitsch que du nanar à puissance thermonucléaire, puis le récit part en délire complet lorsque le scénario se met à aligner de manière ininterrompue des péripéties abracadabrantes d'une redoutable kitscherie comme on n'osait plus en faire depuis les
serials muets des années 20. Les aventures d'Antar sont en effet d'une naïveté tellement désarmante que c'en devient émouvant... et rigolo aussi.
_ Vous êtes Merlin l'Enchanteur ?
_ Non, moi c'est le père Fouras. Vous excusez pas, les gens nous confondent toujours.
Antar dans "Mon beau-père et moi".
Au moins il ne devient pas vert quand il est mure pour la baston...Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus, le premier argument irrésistiblement sympathique est Antar lui-même, car notre héros se trouve être un sosie de
Lou Ferrigno, qui aurait parait-il été passé au cirage pour lui donner l'air d'un métisse ! Le musculeux Mohamed Al Mawlaa interprète avec forces regards bovins le légendaire Antarah ibn Shaddad, grand guerrier et poète du 6ème siècle dont les écrits sont considérés comme faisant partie des plus brillants de la langue arabe. Et devinez quoi ? Mohamed ne citera pas un seul vers de tout le film ! En guise de poésie, vous aurez un gros bourrin sur-musclé qui passera l'essentiel du film à tabasser des sbires et à les faire tournoyer au dessus de sa tête pour les balancer dans le décor.
Car le personnage historique est devenu un simili-
Hercule période Lou Ferrigno (autant profiter de la ressemblance pour leur faire jouer la même chose) à la force surhumaine capable de provoquer la chute de l'Empire Romain à lui tout seul (à la hauteur du budget s'entend). Il est donc accompagné (encombré serait un terme plus juste) d'un
sidekick comique légèrement décevant car moins horripilant qu'on ne l'aurait redouté (il est bel et bien énervant, mais on a connu bien pire). Acolyte furieusement inutile, Moulad passe son temps à faire des pitreries qui ne font rire que le héros, de son rire viril et attendri de héros paternaliste, et sa couardise est naturellement là pour mettre en valeur le courage sans limite d'Antar.
Antar rit face au danger.
Antar soulève les Romains à la chaine en poussant des grognements bizarres.
Antar est fier de nous montrer qu'il a de gros biceps.
Le sacrosaint supplice à base d'écartèlement, passage obligé de tout péplum de type "Maciste l'invincible" ou "Samson contre Ursus", sera sans effet sur notre indestructible héros.


Tout à coups, d'hostiles bodybuildeurs surgissent dans un effet spécial à la Méliès et agressent nos héros avec leurs épées en carton et leur chaines de vélo...
... ce qui a pour effet de provoquer l'hilarité chez Antar, comme à son habitude,...
... et de terrifier le sidekick, lequel arguerait bien d'un rendez-vous chez le dentiste pour son bilan d'Antar (ha ha) pour éviter de s'impliquer dans l'action.
S'ensuit un affrontement de catch amateur, occasion pour Antar de déployer sa botte secrète. Antar'ta gueule à la récré !
C'est un combat truqué.
"J'aime me battre !"
_ Y sont fous ces Romains !
_ Obelix, attention, n'oublie pas que tu es tombé dans la potion magique quand tu étais petit !Voilà donc nos héros valeureux partis pour un double périple, car une fois les trois épreuves accomplies et le mariage entre Antar et Abla sur le point d'être célébré, la fiancée de notre héros est enlevée par les méchants Romains. Et notre duo d'enfourcher de nouveau leurs montures pour casser du rital par paquets de douze. Parlons-en un peu de nos fameux Romains : déjà ils sont quinze figurants à tout casser, que le réalisateur réutilise ad nauseam pour qu'Antar puisse accomplir son
bodycount. Ensuite, on ne saisit pas très bien quel peu bien être ce fameux "pays des Romains" et encore moins à quel période est sensée se situer l'action*. Enfin et surtout, nos Romains ont autant l'air de Romains que Cüneyt Arkin ressemble à un zoulou. Les uniformes des légionnaires sont au delà du grotesque, vous trouverez sûrement moins anachronique et plus réaliste dans un magasin de farces-et-attrapes. Mais le pire, ce sont les légionnaires romaines (oui oui, la parité était en vigueur dans la Rome antique) : elles sont TOUTES vêtues uniquement de lingeries fines à dentelle seventies !
Quant à la vilaine reine salope Claudia, elle est d'une poufferie difficilement qualifiable. Bien entendu, elle est attirer par la virilité irrésistible du chevalier Antar, et déploie désespérément tout son éventail de vulgarit... euh, de charme sensuel pour séduire notre héros, mais celui-ci reste évidemment de marbre face aux assauts de la perfide péta... euh, tentatrice, car dans son cœur ne résonne que le doux nom de Abla. L'attirance que la reine éprouve pour le preux colosse n'est pas pour plaire au fourbe centurion Marcus, dont la jalousie et le désir envers sa reine se lisent sur le visage. Reconnaissons que l'acteur Yavuz Selekman se tire avec les honneurs de ce rôle éculé et parviendrait presque à rehausser le niveau du film par sa sobre prestation s'il n'était pas affublé du costume le plus ridicule, ainsi que d'une coupe Mike Brant un poil trop "années pop" pour l'antiquité romaine et s'il ne finissait pas le film de manière débile.
*Selon le mage skunkhead, puits de connaissances intarissable du Forum Nanarland,
"les Romains dont il est question sont sans doute les Roums, comprendre les Byzantins d'Anatolie, qui, comme tout spectateur turc le sait (et a encore pu le vérifier en regardant "Constantinople" dernièrement), font rien qu'à être des dégénérés lascifs et tripatouilleurs de complots".
La garde romaine, c'est plus ce que c'était !
Des légionnaires romains hyper-crédibles !
La reine Claudia, une sérieuse concurrente à Vénus dans "Vulcain Dieu du Feu" pour le titre très prisé de championne de la minauderie lascive.
Le top de l'érotisme : demandez à votre actrice de manger sensuellement une banane, cette subtile allusion sexuelle à déjà fait ses preuves dans La Revanche de Samson.
"J'aime quand on m'enduit d'huile !"
Le centurion Marcus : Yavuz Selekman, mémorable Tarzan au faciès béat de "Tarzan Korkusuz Adam".
Le pauvre n'est guère gâté par son costumier.Quant à la réalisation, on pourra savourer un montage cavalier, du pillage musical
"fuck the copyright" qui nous sort à toutes les sauces les bandes originales de
"2001 L'Odyssée de l'Espace", de
"Khartoum", de
"Ben Hur", du
"Crime de l'Orient Express" de Sidney Lumet, de
"Papillon" de Franklin Schaffner et du
"Parrain" de Coppola, ainsi qu'une chorégraphie des scènes d'action apocalyptique, particulièrement en ce qui concerne les combats à l'épée qui sont un modèle de non-cadrage et de non-mise en scène. Les invraisemblances scénaristiques sont légions, comme lorsque la copine du sidekick délivre la princesse Abla et se trouve mortellement blessée après avoir eu la poitrine transpercée par une lance... et réapparait juste après en pleine forme.
Pour vous énumérer les autres éléments qui achèvent de faire d'
"Antar au pays des Romains" un nanar de bonne cuvée, je pense que des images attesteront de la véracité de mes propos mieux que de longues descriptions. Dans ce film, vous verrez :

Un Turkish Richard Kiel, sorte de géant/yéti moustachu au pelage en peluche véritable !

Une nymphette hippie à oilpé qui sort de nulle part pour exécuter un numéro de danse lascive devant nos héros !

Des décors somptueux et des costumes d'un gout raffiné !

De vicieuses courtisanes âgées d'à peine douze ans, symboles de la Rome décadente et dépravée !

Des combats de gladiatrices en sous-vêtements !

Un plan nichon d'autant plus surprenant dans une production musulmane qu'il est 100% gratuit !

Un Turkish
Alvaro Vitali tout aussi hilarant que l'original !

De l'humour désopilant à base d'homme déguisé en femme, comme seuls les Turcs et Michel Serrault avaient encore le bon gout de nous en proposer dans les années 70 !

Et des scènes de torture insoutenables avec des grosses en sous-tifs ! Que demande le peuple ?... Un ninja ? Ah, désolé, vous n'en aurez pas. Mais c'est déjà pas si mal.
Un scénario prétexte (mais à quoi diable peuvent bien servir cette robe, ce diamant et ce pendentif que le héros s'est casser le c.. à dénicher et dont on n'entendra plus parler par la suite), des clichés en pagaille, des péripéties fauchés parcourues du souffle de l'épopée en carton-pâte, des anachronismes à rendre épileptique un historien, un budget de misère, des acteurs cabotins, une mise en scène en roue libre,...
"Antar au pays des Romains" c'est une belle aventure au charme kitsch certain, à l'esthétique de
série Z, au premier degré comme on n'en fait plus et à la ringardise rafraichissante. S'il ne détrônera pas
"Turkish Star Wars" ou
"White Fire" sur le piédestal des merveilles du nanar, ce calice contient une liqueur à la nanardise suffisamment pure pour mériter sa place dans la salle du trésor nanarlandaise. Merci Crash Therapy, ton nom sera loué pendant des siècles et des siècles.
Ça finit bien tout compte fait cette histoire, pas vrai Mohamed ?
_ MEEEEEUUUUUUUHHH !Note : 3,5/5
Sources iconographiques : http://diedangerdiediekill.blogspot.fr/ ,
http://www.benitomovieposter.com/ ,
http://sinematurk.com et
http://cinema.nouvelobs.com/Cote de rareté : 7) Jamais sorti.Comme expliqué dans mon intro au style prétentieux, ce film semble avoir totalement disparu de la circulation. Il ne vous reste plus qu'à adresser une prière au Dieu du nanar, puis à enfourcher votre cheval et à partir en direction de contrées inconnues, prêts à affronter mille et un périls pour peut-être finir par découvrir une copie des aventures d'Antar au pays des Romaines en slip...