MACHINE MAN
Titre original : Machine Man
Réalisateur : Shafi Iqbal
Année : 2007
Pays : Bangladesh
Genre : Viens avec moi si tu veux rire ! (
Catégorie : Robots, cyborgs et androïdes)
Durée : 2h18
Acteurs principaux : Danny Sidak, Manna, Moushumi, Apu Biswas
Machine Man conforte le Bangladesh dans son statut de nouvel El Dorado du nanar. Nous sommes ici face à un
rip-off particulièrement récréatif, mélange déjanté de "Banglar Robocop", de "Banglar Terminator 2", de "Banglar Matrix" et aussi un peu de "Banglar L'homme qui valait trois milliards", soit plus de deux heures de nanardise concentrée.

Dès l'intro, on sent qu'on a affaire à du nanar de haut niveau : dans un laboratoire, décoré avec des ordinateurs des années 90 et des posters de
Robocop et de
Terminator, s'affaire un
savant fou à barbiche, lunettes et longs cheveux blancs mal coiffés. Le savant, dont les recherches sont financées par un méchant chef mafieux, fait à son mécène une démonstration de sa nouvelle merveille technologique : Machine Man, un prototype de cyborg censé être invulnérable, incarné par un acteur portant une plaque en ferraille sur le torse et dont les bras sont enfoncés dans des tuyaux de poêle (ce qui fait qu'il ne peut même pas les plier). Il est tellement impressionnant que tout explose au ralenti sur son passage, avec la musique techno à fond les manettes. Las ! L'expérience est un échec et le gangster pique une grosse colère lorsque le grotesque cyborg périt d'un coup de roquette en très mauvais CGI. Petit arrêt sur le méchant, qui est joué par Danny Sidak, le héros de
Banglar Superman et d'un autre
Banglar Robocop. Il se la pète grave et entre en scène dans un superbe ralenti destiné à nous faire comprendre que s'il a beau être méchant, il a quand même trop la classe. La némésis étant présentée, il est temps de faire connaissance avec le héros du film, largement aussi poseur que le bad guy.





Le premier prototype de Machine Man dans toute sa splendeur.




Danny Sidak est Banglar Tony Montana.Notre héros est l'inspecteur Bobby, le meilleur flic du Bangladesh, le genre qui torture les suspects d'abord, puis les fait sauter à la grenade ou à la dynamite une fois qu'ils ont craché leurs aveux (mais bon sang, il obtient des résultats !), et que son supérieur (un sale ripou !) enguirlande, mais que tout le monde adore et admire. Au cours d'une mission sous couverture, où il se déguise en trafiquant d'arme à postiche et Ray-Ban, habillé d'une liquette et d'un turban violets, Dirty Bobby provoque la mort du frère de Danny Sidak, lequel crie bien entendu vengeance. Lors d'une sortie plage de notre superflic avec sa nombreuse famille, tout le monde chante et danse de façon si niaisement joyeuse qu'on se doute bien que l'hémoglobine ne va pas tarder à gicler. Et en effet, Danny Sidak et son gang déboulent et massacrent tout le monde, dont l'inspecteur Bobby. Heureusement, la fille du savant fou, qui dansait et chantait par-là, tombe sur le cadavre de l'inspecteur Bobby et décide de le ramener à son père, lequel est aux anges d'avoir un nouveau cobaye pour sa deuxième mouture de Machine Man. Une fois l'opération terminée, le savant est fort désappointé car Machine Man Bobby (c'est son nouveau nom) se révèle tout mou et incapable de soulever une simple barre de fer. Mais rien de telle qu'un interlude musical pour vous requinquer un cyborg ! Re-boosté par la fille du docteur, qui lui fait du gringue, Machine Man Bobby entame une croisade contre le crime et surtout contre l'odieux Danny Sidak, littéralement réduit en marmelade par notre cyborg vengeur. Mais ses
sbires ayant pris en otages la femme et le jeune fils du savant fou pour contraindre ce dernier à mettre une fois de plus son génie au service du mal, le vilain Danny revient d'entre les morts sous les traits de Bionic Man, un ersatz du T-1000 de
Terminator 2, bien décidé à se venger en tuant une deuxième fois l'inspecteur Bobby...

L'inspecteur Bobby (Manna, action star très populaire décédé quelques mois après le tournage), roi du déguisement.

Les méchants s'apprêtent à faire baisser la surpopulation de Dacca.

TACATACATAC !

"Aaargl !"

BAM ! BAM !

"Woorgleuh !"

PAN ! PAN !

"Yaaarrgghh !"

"Noooooooonnnnnnnnn !"

POW !

"Argh ! Adieu, monde cruel..."A la lecture de cette trame basique et remplie à ras bord de clichés, je pense que vous avez déjà une idée assez précise du taux de n'importe quoi de ce chef-d'œuvre de la SF bangladaise. Détaillons tout de même plusieurs points qui font de ce film un nanar chimiquement pur :
_
La repompe : Comme évoqué dans mon introduction, le film plagie sans aucun complexe plusieurs blockbusters hollywoodiens archi-connus. Chaque séquence plagiée mettra la banane aux cinéphiles : le flic-robot qui loge une balle dans les valseuses d'un loubard en tirant entre les jambes d'une passante prise en otage, ou encore qui a des visions de sa famille décédée en visitant son ancienne maison, comme dans le premier
Robocop; le méchant cyborg invincible en métal liquide qui fera d'abord mordre la poussière au gentil cyborg moins perfectionné avant que ce dernier ne renverse la situation, comme dans
Terminator 2; les mecs surhumains à Ray-Ban et trench-coat en cuir noir se la pétant au ralenti et se tirant dessus à coups de
bullet time surréalistes, le tout sur de la musique techno tonitruante, comme dans la franchise
Matrix; le héros moitié-humain moitié-machine avec son œil bio-ionique, comme dans le feuilleton culte avec Lee Majors. Bref, plein d'influences occidentales ingurgitées puis acclimatées à la culture locale, dans une histoire typiquement bangladaise, ce qui en fait tout le charme naïf.

Un savant farfelu comme l'univers du nanar en compte tant.






Horreur ! Machine Man Bobby se réveille victime d'une constipation aigue._
L'action : Au Bangladesh, les mecs avec des testicules en acier trempé, c'est pas ça qui manque, et ils n'ont pas besoin d'être bioniques pour défier les lois de la physique élémentaire et agir comme des surhommes. Chaque bagarre à mains nues est l'occasion d'envoyer voler les sbires à plusieurs dizaines de mètres d'une simple baffe, avec les bruitages outrés qui font tout le charme du cinéma d'action du sous-continent indien. Le héros est un gros kéké qui adore marcher au ralenti devant une ou plusieurs explosions, avec sa moue de gros dur et ses lunettes noires de frimeur, sur le thème ronge-tête du film, lequel se résume à une effroyable bouillie techno où un chanteur surexcité se contente de gueuler
"MACHINE MAN !!!" en boucle. Et quand l'homme-machine se met à canarder les sbires au fusil-mitrailleur, c'est l'occasion de gunfights psychotiques où s'enchaînent les morts nanardes.

De la demoiselle en détresse ? Morbleu, voilà une mission pour Machine Man !






Banglar Steven Seagal.



Banglar bourrinage._
Les effets spéciaux : Faire du James Cameron avec les moyens du cinéma populaire bangladais, ça nécessite d'avoir recours au sacrosaint système D, pour la joie de nos zygomatiques. Quand Machine Man ou Bionic Man envoient voler un adversaire dans les airs, ce dernier est toujours détouré à l'arrache pour un rendu désopilant. Quand ils se tirent dessus, cela donne des balles grosses comme des noix en images de synthèse digne d'une Playstation des années 80, qui viennent lentement ricocher sur la ridicule cotte de mailles argentée de Machine Man ou bien qui font un trou de cartoon dans le torse de Bionic Man. Sur certains plans, on a même l'impression d'avoir affaire à des roquettes et des balles en dessin animé, qui semblent coloriés au feutre sur la pellicule comme au bon vieux temps.

Tous les trous sont permis.
Y a plus de trou à Percé.

Change de trou, ça fume !

Un trou, ça va, trois, bonjour les dégâts.


Des effets... spéciaux._
L'érotisme : Dans les limites de ce que permet la stricte censure bangladaise, le film joue beaucoup sur le sex-appeal de la jeune héroïne et sur sa différence d'âge avec Machine Man (elle se fait passer pour sa fille auprès d'une gérante d'hôtel et l'appelle facétieusement papa). Au cours d'une scène aux frontières du réel, l'actrice Apu Biswas tente de rendre jaloux Machine Man en allumant tous les passants au milieu de la rue (sur fond de gémissements de femmes en accompagnement sonore) et manque d'être violée par rien moins qu'une centaine de passants, tous littéralement en rut, du bambin jusqu'au vieillard chenu et édenté. Mais entretemps, Machine Man a eu une vision de sa défunte épouse l'autorisant à aller batifoler avec la jeune fille, car ça fait, quoi, au moins deux jours qu'il est veuf, il serait temps qu'il passe à autre chose. Voilà donc notre héros tatanant les entreprenants obsédés en les envoyant valdinguer au sommet des lampadaires (au Bangladesh, le #Balancetonporc, c'est au sens propre) et notre homme-machine rondouillard dans la force de l'âge de pécho de la lycéenne en pamoison, avec la permission du fantôme de sa femme.

Ils vécurent heureux et eurent plein de petits cyborgs._
L'esthétique : Banglar Superman semblait dater des années 70. Au vu du grain de l'image, particulièrement cradingue,
Machine Man ressemble quant à lui à un film indien des années 80, le cinéma de genre bangladais conservant toujours vingt ans de retard sur le cinoche du reste du monde. Ajoutons qu'une bonne partie du film semble avoir été filmé à travers un cul de bouteille, sans oublier des transitions hyper-abruptes entre les scènes (certains dialogues n'ont pas le temps de se finir qu'à l'écran on est déjà passé à tout autre chose), des looks d'un kitsch achevé avec une profusion affolante de cols pelle à tarte, une image qui tremblote de temps en temps, comme si la pellicule était prête à rendre l'âme ou comme si le caméraman était soudain pris d'une crise d'épilepsie, et vous obtenez une expérience sensorielle très dépaysante, qui obligera le public occidental à se munir de bonnes lunettes de protection pour éviter que ses yeux ne se mettent à saigner devant ce spectacle superbement hideux.

Des interludes musicaux d'une aveuglante kitscherie.

Au Bangladesh, la coupe mulet n'a pas attendu les années 2020 pour revenir à la mode.

Et le col pelle à tarte à poix noirs sur fond blanc était trop stylé en 2007.



La classe des méchants déborde littéralement de l'écran._
La réalisation : Si l'aspect visuel évoque les années 80 en plein, la mise en scène et le montage s'inspirent des styles les plus putassiers du cinoche des années 2000. Les maîtres de Shafi Iqbal semblent être Michael Bay et Zack Snyder, le montage nous servant des
jump cuts et des ralentis/accélérés en continu pendant deux heures, avec cette épouvantable techno de djeun et ces plans stroboscopiques façon Banglar MTV. Après avoir vu ce film,
Torque vous paraîtra sobre.
"Machine Man, je sais que vous obtenez des résultats, mais quand vous vous pointez dans mon bureau, je vous prierais de mettre un uniforme réglementaire !"

Une journaliste filme le méchant en train de comploter avec ses sbires en se, heu... "cachant" dans la même pièce que lui, bien en vue sur la première marche de l'escalier du salon.


Et ben, croyez-le pas, ça leur prend au moins trois bonnes minutes pour s'apercevoir de la présence de l'intruse !Inutile d'en dévoiler plus. Vous aurez compris que
Machine Man est un gros morceau. Seul bémol : les séquences musicales sont un peu le ventre mou du film, pour la plupart niaiseuses au possible et relativement faiblardes en nanardise _ on retiendra surtout la chanson de Bionic Man, qui nous arrache quelques sourires vers la fin du film. Heureusement, dès que les personnages arrêtent de chanter, la nanardise et le rythme reprennent de plus belle, les scènes d'action et les moments de bravoure spectaculaires ne se faisant jamais trop attendre. Toutefois, c'est le genre d'expérience extrême à déconseiller au néophyte, au même titre qu'une "turkisherie" ou un nanar pachtoune. Mais si vous voulez halluciner et rigoler devant un spectacle exotique, naïf, généreux et sincère, avec des méchants super méchants et des gentils qui gagnent à la fin, alors ce Terminator-Robocop-Matrix made in Dhallywood est un incontournable.
"I'll be back!"Note : 4,25/5
Cote de rareté : 7/ Jamais sortiComme d'habitude en ce qui concerne le cinéma bangladais, nous ne pouvons guère que vous signaler que le film est disponible légalement sur
YouTube, sans le moindre sous-titre (mais était-il besoin de le préciser ?).
Images en plus :
Le frère du méchant et sa tête d'abruti.

Le couple d'assistants "rigolos" du savant fou.



Quelques tronches collector.

Danny Sidak s'entraîne pour le remake bangladais de "Ghostbusters".

Comment ? Un fond vert, vous dites ?




Le méchant pousse des rires méphistophéliques en surimpression sur des stock-shots de destruction et d'explosions, en se dédoublant comme dans un clip de variétoche 70's des Carpentier.

"Tiens-moi ça, veux-tu, que je puisse pousser mon rire de super-vilain."

"MOUHAHAHAHA !"

L'informatique du futur au service de la robotisation de superflic.



Notre héros faisant baisser le taux de criminalité de Dacca.