Edit folet Ninja Dragon -@- (
John Nada)
Ninja Dragon :
Hong Kong. 1986. 87 mn. De Godfrey Ho, avec Richard Harrison, Bruce Stallion (= Paulo Tocha), Pierre Tremblay…
Le genre : ninjarama
« Ninja », « Godfrey Ho », « Richard Harrison », « moustache »… quelques mots-clés qui permettent de catégoriser
Ninja Dragon dans une sphère bien spécifique du nanar : le 2 en 1 qui tâche, micro-genre de mieux en mieux connu mais toujours foireux à quantifier (se référer aux
travaux de notre éminent ninjologue Le Rôdeur). Rien de bien neuf à dire sur le sujet, cet opus étant tout ce qu’il y a de plus académique dans ce domaine mais bon, je prends quand même la peine d’y aller de ma chronique-éclair, juste histoire d’en glisser un de plus dans la musette à chroniques de Nanarland (à force, on arrivera bien un jour à les avoir tous vus…).
Comme d’hab’, le personnage qu’incarne Richard Harrison est un gentil ninja qui s’appelle Gordon, le perso joué par Pierre Tremblay s’appelle Pierre (malheureusement il n’apparaît que 30 sec. à tout casser, et même pas en ninja en plus) et celui joué par Bruce Stallion / Paulo Tocha s’appelle Paul. Après tout pourquoi s’embêter ?

Stallion et Harrison cabotinent dans un bel esprit de saine émulation
Comme d’hab’, le style est plus raboteux que jamais et l’histoire embrouillée par une avalanche de personnages. N’empêche pour une fois je crois avoir à peu près tout compris : deux clans rivaux s’affrontent à Shanghai, le clan des gentils et celui des méchants – jusque là tout va bien. Ronald, le chef du clan des gentils, est assassiné par les méchants, dont les chefs sont d’une part Furious Fox et de l’autre Bruce Stallion. Ronald avait trois enfants : sa fille aînée Phoenix, sa deuxième fille Fanny et Richard Harrison. La guerre est déclarée, par hommes de mains interposés (Dragon d’un côté, Tiger de l’autre pour le métrage asiatique) mais aussi bien entendu par règlements de comptes inter-ninja.

Ninja la malice
Comme d’hab’, le remontage crapuleux qui est l’essence même des « 2 en 1 » plongera l’amateur non éclairé dans un abîme de perplexité [mais… pourquoi ce mec qui ressemble vaguement à Sylvester Stallone parle presque toujours 1) au téléphone 2) à de fugitives silhouettes via des champ / contre-champ quasi-subliminaux 3) dans le vide ?]. Bruce Stallion passe effectivement le plus clair de son temps pendu au téléphone à envoyer des encagoulés bondissants se faire rosser par Richard Harrison, de fringants guerriers qui se parent de noms aussi pompeux que Black Tiger ou White Panther bien qu’ils arborent tous invariablement la même tunique rouge. Une fois tous ses ninjas de rechange éliminés, Bruce Stallion enfile la dernière tenue rouge de son placard et va lui-même affronter le sieur Harrison (Gordon blahblah hate you blahblah Gordon blahblah kill you etc.).



Festival Bruce Stallion, morphing inquiétant entre Sly Stallone et Richard Anconina (avec peut-être une touche de Sarkozy dans la dernière)
Comme d’hab’, ces quelques séquences ninja constituent globalement les plages les plus récréantes de la tambouille, même si les combats sont franchement bâclés et bien vite expédiés (encore plus que d’habitude je veux dire). Du coup, favorisé par l’effet de surprise, le ridicule atteint finalement son apogée la plus zénithale dans la partie asiatique du remontage : sur le point d’être arrêté, un sicaire entreprend de se suicider… en se tapotant prestement la tête sur le sol plusieurs fois de suite, poc poc poc ayé je suis mort, l’honneur est sauf et tant pis pour vous les mecs. Un procédé finalement pas moins astucieux qu’un autre et qu’appliquera d’ailleurs un autre sbire des méchants, sauf que lui choisira de se taper la tête contre une tombe et réussira du premier coup. Effarant.
Ouf, l’honneur est sauf, le public n'aura pas le temps de se moquer de moi
Comme d’hab’, Richard Harrison est foncièrement désemparant, l’air pitoyablement sérieux, le visage bronzé barré d’une large moustache non teinte, deux gros traits de eye liner barbouillés sous les yeux, en tenue ninja bariolée façon camouflage militaire (sauf lors du combat final où il se présente en tenue noire, sorte de tenue ninja réservée aux grandes occasions j’imagine), récitant son texte comme s’il s’agissait du bulletin de la météo marine, bref impérial de nanardise. Ces indications concernant son look nous permettent d’affirmer sans risque de se tromper que les scènes de Harrison qu’on retrouve dans
Ninja Dragon font partie de la même session que celles utilisées dans
Ninja Terminator (dans lequel on retrouve également Bruce Stallion en tenue rouge maintenant que j’y pense, ça confirme mes suppositions).


Richard Harrison attend que ça se passe (mon chèque, vite !)
Comme d’hab’, les bruitages ne font pas dans la modération, sauf que là, en plus des habituels CLING et CLANG des combats ninja au katana, on est royalement servis en effets sonores saccadés et assourdissants pour accompagner les flinguages au ralenti, vas-y pousse la réverb’ au max cette scène est dramatique je te dis.

Du côté des gweilos comme des orientaux pure souche, on a du charisme à revendre

Un look-a-like de Hwang Jang Lee
Comme d’hab’, Godfrey s’est composé une BO de choc en faisant son marché à droite à gauche, moi le copyright j’connais pas. Cette fois-ci j’ai reconnu le thème de
Carrie lors d’une scène d’enterrement et celui de
The Thing qu’avait composé Ennio Morricone pour le remake de Carpenter, bizarrement utilisé pour accompagner une partie de poker entre Richard Harrison, Bruce Stallion, Pierre Tremblay et quelques autres zouaves caucasiens inconnus au bataillon.


Tremblay, Harrison et Stallion tentent de mettre un peu de beurre dans les épinards
Comme d’hab’, Godfrey nous ressert systématiquement les mêmes plans, les mêmes zooms intempestifs, nous ballade dans les mêmes lieux où s’affrontent les mêmes acteurs après s’être agonis des mêmes injures (« bastard » en version anglaise, « salopard » ou « ordure » en VF), les cascadeurs hongkongais qui prennent le relais des Harrison et consorts pour les combats à proprement parler effectuant encore et toujours les mêmes cabrioles (le salto arrière pour éviter un projectile, un classique impérissable… se baisser c’est trop facile !). Si l'accomplissement d'un artiste se mesurait au fait qu'il fasse toujours la même chose, alors Godfrey Ho serait assurément un immense réalisateur.
(La doublure de) Richard Harrison, saisi(e) dans le geste auguste du vainqueur
Comme d’hab’, Godfrey Ho fait son Godfrey Ho, alors je crois que mes K7s et DVDs de
L’Invasion des Ninjas,
Ninja the Protector,
Bad Ninjas,
Ninja Power et autres
The Ultimate Ninja (quelle inventivité dans les titres !) attendront encore un peu dans ma pile de nanars en friche parce que je sens que sinon mes chroniques vont commencer à ressembler à des photocopies. Une petite jachère s’impose, laissons mûrir tout ça quelque temps…
John Nada 2,5/5