Malheureusement ou heureusement, la prévention trop forte du choc a vraiment fait atténuer l'effet pour moi. J'ose imaginer tout de même le choc que ça a dû être pour les spectateurs de Cannes, ceux qui ont vu ça sur écran géant et sans savoir la violence de la chose.
J'ai surtout eu de la très très forte dose d'adrénaline avant les fameuses scènes et il y a franchement des moments inoubliables. Déjà le générique est pas du tout rassurant avec ce bloc qui dérive et ces noms apparaissant au son des battements de cœur. La séquence du labyrinthique Rectum, boîte SM gay underground où on ne trouve plus la sortie. Le rouge pétant nous mettant sous tension, en panique. Les couleurs sont juste magnifiques et la caméra tournante nous fait bien comprendre qu'on doit être mal à l'aise.
Et puis franchement, on a l'impression de suivre Cassel, d'être à côté de lui, bloqué entre les murs, le sol et le toit de la boîte, incroyable. Tout ça sur la musique de Bangalter, que j'ai en tête depuis.
De même pour la scène avec le travlo, on se croirait dans une rue de Paris avec les personnages, inquiétés. La tension monte et devient agressif. Chapeau pour les comédiens!!! Non seulement ils en font des tonnes, mais c'est d'une spontanéité et d'une crédibilité remarquables! Et puis ce cadrage, style je filme des détails et je bouge tout le temps comme si je me sentais pas bien, ça rend vraiment.
Et puis je me souviens du plan de Bellucci descendant dans le tunnel, le son de ses talons hauts et l'apparition du rouge, bordel mais ce
ROUUUUUUUUUGE 
.
Le montage à l'envers est excellent, et les plans-séquences aussi, on a l'impression que c'est le même plan pendant 1h30, vivant chaque séquence réaliste en temps réel.
Et puis cette seconde partie, magnifique. Peu à peu on oublie l'horreur de la première, on voit les personnages heureux, on les suit dans le métro et on découvre la joie du couple Cassel-Bellucci, magnifique, la dernière séquence avec l'herbe verte est vraiment très belle. Mais bon, on le sait nous ce qui se passera, on le sait mais pas eux, et c'est ça qui nous arrache le cœur, les voir heureux alors que leur destins basculera à jamais, et c'est Irréversible. J'aurais pas trouvé mieux comme titre, le mot glaçant qui résume tout.
Au final, je trouve pas que c'est chef d'œuvre et certains points auraient vraiment pu être améliorés, mais alors le boulot visuel de Noé est absolument irréprochable, on voit le passage à Louis Lumière et puis il réussit à nous foutre dans son univers plus rapidement qu'un clin d'œil, il suffit de noms (Irréversible, Ténia, Rectum) et on est pris dedans.
En y réfléchissant, l'intelligence du film est qu'il met tout le monde au même niveau et ne juge personne, ne pointe personne du doigt comme le méchant.
Et en fait, si ça parle de la bestialité humaine, des pulsions interdites, ce film est en fait la mise en pratique, les réactions de Cannes sont loin d'être douces et Noé a réussi à nous foutre de ces pulsions incroyables (cris dans la salle, le spectateur qui s'inquiète de la sécurité, certains le traitant de malade mental, un autre aurait eu envie de lui casser la gueule).
Par contre, je trouve débile la phrase "Le temps détruit tout." en tout cas pour le film. Ou alors elle est mal formulée. Le temps ne fait que passer, s'il y avait viol comme c'est dans le film ou s'il n'y avait pas de viol et alors la vie continuerait de plus belle, le temps fait la même chose: elle s'écoule. Le temps est une propriété impossible à bouleverser et ce serait nous qui détruirait alors tout, on doit s'adapter au temps et faire avec. J'aurais plutôt dit "Le temps permet de détruire tout." Ou alors que le temps fait que l'on ne peut revenir en arrière et que c'est donc Irréversible mais je vois mal comment le temps détruit tout.
Franchement le cinéma de Noé est assez exceptionnel. On peut dire qu'il est inclassable et ça sent la réalisation qui influencera beaucoup.
La puissance, on dirait qu'il a inventé un style, c'est vraiment un type à part, on peut même faire un type, un cas à son nom et alors on appellerait ça le...
cas Noé.
