Vu et mon impression est mitigée. Vincent Cassel fait une prestation intéressante, mais la satisfaction que j'ai tiré du premier volet est gâchée par ma grosse déception devant le second, où j'espérais voir une apothéose.
Globalement, dans les deux films, j'ai beaucoup aimé l'aspect reconstitution d'époque, surtout dans le premier avec les années 60. Bon casting dans l'ensemble, et prestation excellente de Depardieu en parrain à la fois grotesque (la scène de la cagoule dans l'opération OAS) et pourtant terrifiant et ignoble. Je ne sais pas si c'est voulu, mais son look m'a beaucoup fait penser à une version sadique de Le Pen.
La première partie est très intéressante car elle traite d'un aspect relativement peu connu de la carrière de Mesrine. Je serais curieux de savoir ce qui relève de la licence artistique.
Par contre, dans la seconde partie, même si la montée de la mégalo de Mesrine est plutôt bien rendue, j'ai été horriblement déçu qu'on ne parle pas de la guerre des brigades de police, en sucrant le personnage de Lucien Aimé-Blanc. Ce dernier apparait bien, joué par Luc Thuillier (qui s'est fait le look du personnage) mais il a deux lignes de dialogues et on ne comprend pas du tout son rôle dans l'affaire. D'un point de vue de spectateur, j'ai même été choqué que les auteurs se privent de rajouter une dimension aussi excitante à l'affaire (car ça montrait bien l'importance que prenait Mesrine dans l'imaginaire public).
En gros, pour ceux qui ne connaissent pas l'affaire, il y avait une rivalité entre les brigades de Lucien Aimé-Blanc et celle de Robert Broussard, dont chacun voulait arrêter Mesrine en premier. Du coup, dans le film, l'affaire du journaliste de Minute Jacques Tillier perd toute sa dimension : en fait, Tillier avait écrit son article injurieux sur Mesrine à la demande de Lucien Aimé-Blanc, dans l'espoir de faire sortir Mesrine du bois et pour lui tendre un piège. Ca a marché, puisque Mesrine a bien appelé Tillier pour censément lui accorder une interview (en fait, le buter) et Aimé-Blanc comptait l'arrêter à ce moment-là. Or, ce que les flics n'avaient pas prévu, c'est que le complice de Mesrine a emmené Tillier en voiture en forêt (à la base, Mesrine lui-même devait voir Tillier en plein Paris, et Aimé-Blanc voulait en profiter pour le choper), ce qui fait que la police a perdu sa trace et que Mesrine a massacré Tillier.
Le résultat de l'affaire est que Aimé-Blanc s'est fait remonter les bretelles pour avoir failli faire fumer son indic, et qu'on lui a demandé de coordonner son action avec celle de Broussard, ce qui a abouti à la fin de Mesrine.
Dans le film, on perd totalement la dimension "bavure policière" de l'affaire et ça n'est plus que la confrontation entre Mesrine et un journaliste de carnaval.
La scène ose même faire de l'"antifascisme" dans les dialogues alors que c'est le mec de Minute qui est la victime. Comme pour enfoncer le clou, on fait tenir à Tillier (rebaptisé Dallier dans le film, sans doute pour éviter les ennuis) des propos racistes et faire l'éloge du préfet de police Maurice Papon. Pour quoi faire, pour souligner que c'est un méchant facho et rendre Mesrine plus sympa alors qu'il va faire un carnage sur le mec ? Je trouve ça totalement nul : je serais à la place du gars, je ferais un procès (ceci dit, ils ont changé son nom donc je ne sais pas si ça marcherait) car on le fait passer pour un raciste, une lavette et un journaliste en mousse (il n'a visiblement pas préparé son interview de Mesrine : et pour cause, puisqu'à la base, il ne comptait pas l'interviewer, le rendez-vous étant un piège). Pour un personnage qui est la victime de l'affaire, c'est un traitement que je trouve très très limite.
C'est horriblement dommage qu'on passe à l'as toute la partie de l'affaire sur la guerre des polices, alors que ça n'aurait pris qu'une dizaine de minutes de métrage. On reste centré sur Mesrine - qui, au fond, est et demeure un gros con, qui empire même sur la fin avec son côté mégalo et "engagé" - alors que ce qu'il provoque autour de lui est plus intéressant que sa propre personne. En amputant l'histoire de l'une de ses parties les plus intéressantes et folkloriques, Richet rate l'occasion de faire un très bon polar, et ne fait qu'une honnête série B, avec des passages très douteux (ça m'a rappelé qu'il a pondu naguère l'exécrable "Etat des lieux", l'un des pires pensums idéologiques du cinéma français et un authentique film de blaireau).
Aimé-Blanc lui-même a-t-il fait des problèmes ? Ca m'étonnerait un peu, puisqu'il a déjà témoigné là-dessus et que toute l'histoire est désormais connue. De plus, il n'y avait qu'à changer son nom (ce qui est presque fait, puisqu'on ne l'appelle que "Lucien").
Niveau bugs du casting : Mathieu Amalric - ma bête noire, donc je ne suis pas objectif - n'a qu'une seule expression, qui est d'écarquiller les yeux (il fait le même truc dans Quantum of Solace) mais le pire, c'est Gérard Lanvin, beaucoup trop vieux pour le rôle de Bauer et qui, avec son accent, sort tout droit d'un film de Philippe Clair du type "Les Charlots sur la Canebière". Et si le vrai Charlie Bauer a le même accent, je m'en fous, il est grotesque quand même.
Je me pose une question : pour une raison assez obscure (accord policier ?), Tillier a plus tard témoigné que ce n'était pas Charlie Bauer qui avait accompagné Mesrine pour le guet-apens, ce qui fait que Bauer a été acquitté. C'est aussi pour ça que dans l'autre film sur Mesrine (celui de 1984, qui est un gros nanar, soit dit en passant), Bauer est rebaptisé d'un autre nom, si ma mémoire est bonne. Ici, il a son vrai nom. Pourquoi ?
Quant à la prestation de Cassel, elle est bien, mais il lui manque peut-être, à la fin, ce côté vraiment inquiétant qu'on ressent bien dans l'enregistrement de la voix du vrai Mesrine (son "testament" audio, que Cassel joue avec une voix à la Gabin, alors que le vrai Mesrine faisait plutôt Jean-Louis Trintignant pour autant qu'on puisse en juger).
Bref, une grosse frustration, surtout par rapport à la première partie, et qui me coupe l'envie de revoir le film à l'avenir.
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"Ach ! Dans mon pays, on appelle ça... LA SOUPE AUX SCHULTZ ! HAHA !" (La Guerre des espions)

Dernière édition par Nikita le 25 Nov 2008 13:17, édité 1 fois au total.
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