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De Mark Twain à Charles Dickens en passant par Sigmund Freud, tous se demandent qui a réellement écrit les œuvres attribuées à William Shakespeare. Les experts s’affrontent, d’innombrables théories parfois extrêmes ont vu le jour, des universitaires ont voué leur vie à prouver ou à démystifier la paternité artistique des plus célèbres œuvres de la littérature anglaise.
A travers une histoire incroyable mais terriblement plausible, "Anonymous" propose une réponse aussi captivante qu’impressionnante. Au cœur de l’Angleterre élisabéthaine, dans une époque agitée d’intrigues politiques, de scandales, de romances illicites à la Cour, et de complots d’aristocrates avides de pouvoir, voici comment ces secrets furent exposés au grand jour dans le plus improbable des lieux : le théâtre… .
Source: allociné
"Shakespeare était-il un imposteur ?" Une « one line pitch » pratique pour résumer de quoi on va causer mais qu’on attendait pas forcément d’un métrage de Roland Emmerich, plus habitué aux récits patriotiques, à la science-fiction où au blockbuster avec des immeubles qui s’écroulent (et parfois tout ça en même temps) et dont ce ne sont pas les pitchs qui font une ligne, mais les scénarios entiers. Et on peut dire que le plus américain des allemands semble prendre du plaisir à sortir du moule dans lequel on avait fini par l’enfermer. De retour au pays vingt ans après l’avoir quitté, finançant à ses frais le projet pour éviter le parasitage des studios, Emmerich livre une direction d’acteur beaucoup plus fine que dans ses productions catastrophes (et catastrophiques dirons les mauvais langues). Alors forcément, nous ne sommes pas non plus devant un chef-d'oeuvre. On sent par instant que notre brave Roland a un peu de mal à (re)faire avec un budget moins important, ce qui l’oblige à faire avec peu de décors et des effets spéciaux pas toujours au top comme au début du film, avec une scène sur fond vert où les acteurs semblent détourés à la hache. Mais ça ne reste qu’accessoire, puisque la mise en scène, bien aidée par le scénario, se veut maline. Car si le long-métrage prend un partie pris radical en répondant à la question posée par l’affiche, visant à nous dire que celui qui s’est attribué la paternité de « MacBeth » serait donc bel et bien un escroc, quelques idées bien placé nous pousse à croire qu’Emmerich a sans doute un avis plus nuancé. En effet, lorsqu’au début du film, le narrateur de l’histoire se présente, il le fait sur une scène de théâtre. Puis à la fin, nous voyons les spectateurs quitter la salle après la représentation. Comme pour dire « ce que vous avez vu était un spectacle ». On ne voit pas un prof expliquer un fait à des élèves, comme ça aurait pu être le cas, mais un acteur nous raconter sa vision des choses. C’est subtil mais si on y ajoute la mise en abime visant à construire l’histoire comme une pièce de Shakespeare où les personnages historiques, pas ceux de papier, se mettent à vivre leurs vies comme une tragédie romanesque, avec son lot de tourments, de trahisons, d’amours impossibles et tout le tralala qui a fait le succès de l’auteur de « Roméo et Juliette », on se retrouve devant un métrage bien construit avec une volonté de son auteur d'être plus complexe que d'habitude.
Alors certes oui, l’ensemble n’est pas parfait. On peut reprocher quelques fausses notes comme une narration bancale au début, avec beaucoup de flash-back, flash-forward, pas toujours présentés comme tels qui font que l’on peut rapidement être paumé si on ne déduit pas de suite que le petit blond qu’on voit à l’écran, c’est peut être bien le vieux blond qu’on a vu une scène avant mais avec quelques décennies de moins. Pas facile aussi de se faire à un nombre important de personnages parfois présentés en même temps. Idem, il y a des chances que si on ne soit pas intéressé par Shakespeare, le film nous passe un peu au dessus, et paradoxalement, ça peut aussi être le cas si on est justement très passionné par le sujet, vu que l’intrigue s’intéresse aussi aux manigances à la cour d’Angleterre au point de parfois en oublier son sujet de départ, même si tout est assez lié. L’interprétation de Shakespeare n’est pas non plus très inspirée, celui-ci passant pour une andouille finie, lâche, vénal alors qu’on aurait certainement pu en faire un personnage autrement plus subtil, devenant certes un imposteur mais plus par accident. Bref, je n’irais pas jusqu’à dire que ce « Anonymous » est un grand film mais il a de l’intérêt pour ceux qui pensent qu’Emmerich n’est qu’un yes-man sans grande prétention artistique. Il n'est pas certain que d'autres, sortis du confort des blockbusters, auraient été capable d'en faire autant.