Il y a quelques temps, guile avait demandé
dans le Forum général si quelqu'un pouvait lui conseiller des nanars volcaniques. En voilà déjà un.
-_-
MAGMA: EARTH'S MOLTEN CORE
Réalisateur : Domingo Magwili
Année : 2005
Pays : Etats-Unis
Genre : Le Pixel de Dante (
Catégorie : Pur et dur)
Durée : 1h28
Acteurs principaux : Tina-Desiree Berg, Jason Scott Johnson, Mason Storm, Desi Singh, Johnny Lawson, Jully Lee

Après les fastes années 70, le cinéma catastrophe a connu un deuxième âge d'or durant la période comprise entre la deuxième moitié des années 90 et la première moitié des années 2000, avec des titres aux succès divers comme
Titanic, Independence Day, Twister, Le jour d'après, Armageddon, Daylight avec Stallone ou encore
Deep Impact. A l'aube du Troisième millénaire, la démocratisation des effets spéciaux numériques permit à de petites boites de prod sans le sou de donner dans le disaster-movie et de filmer des scènes pyrotechniques jusque-là impensables, en copiant la recette des blockbusters des grands studios, avec parfois cent fois, voire mille fois moins de moyens. C'est le cas de la mythique
Cine Excel, reine du
mockbuster ultra-fauché, qui nous livre ici sa version hard-discount de superproductions comme
Le Pic de Dante et
Volcano. Et comme d'habitude, le résultat est à la fois touchant, désopilant et profondément, intensément, exponentiellement naze.

A une époque où fleurissaient les téléfilms inoffensifs et interchangeables à base de fléaux en CGI miteuses, un objet comme
Magma: Earth's Molten Core sort tout de suite de la masse par sa nanardise quasiment palpable à l'œil nu (oui, je sais qu'un œil qui palpe, ça sonne bizarre). Sollicité pour remplacer en catastrophe le réalisateur Patrick G. Donahue (auteur de
The Abominable), le scénariste et homme à tout faire Domingo Magwili nous livre un film à la fois exceptionnellement pauvre, et en même temps suffisamment généreux, rythmé et constant dans la ringardise pour éviter autant que possible les passages à vide qui rendent certaines productions Cine Excel aussi éprouvantes qu'amusantes. Comme d'habitude, le projet a été pensé et scénarisé comme un blockbuster, sans se préoccuper de la faisabilité technique d'un film familial à grand spectacle ne disposant que d'un budget vraisemblablement aussi serré que le kimono de Steven Seagal. Peu importe l'absence totale de moyens, les auteurs essayent de nous en mettre plein la vue, avec ce mélange paradoxal (qui n'appartient décidément qu'à Cine Excel) de roublardise, de débrouillardise, de maladresse, d'escroquerie, d'incompétence, d'ingéniosité, d'amour sincère du cinéma et d'inconscience qui fait qu'on aime tant ici les films produits par David Huey, le
Marius Lesœur américain.
Les grands responsables de tout ça.





Cine Excel, le Nu Image du pauvre.Dans un genre ô combien friand en productions aussi pétées de thunes que scénarisées et dialoguées avec les pieds, le script de
Magma: Earth's Molten Core se fait un devoir de n'oublier aucun cliché. Nous avons donc une galerie de personnages ultra-stéréotypés, dont nous suivons par petites tranches parallèles les péripéties face au cataclysme, après l'inévitable première demi-heure de présentation de ces archétypes dans leur vie "ordinaire" précédant le drame (la partie la moins amusante de ce genre de film, heureusement rehaussée ici par la misère ahurissante de l'ensemble). En guise de protagonistes principaux, nous avons l'habituelle famille divisée que l'épreuve réunira à nouveau lors de la happy end (désolé pour le
spoiler mais vous attendiez une autre fin ?) : le père est un ancien capitaine de l'U.S. Navy au chômage, un dur à cuire aux mâchoires carrées donc, mais rongé par la culpabilité d'avoir ordonné un tir accidentellement responsable de la mort de dizaines de civils, qui boit pour oublier ce traumatisme de guerre et par conséquent n'assume plus comme il le devrait son rôle de "chef de famille"; la mère, qui
"veut toujours avoir le dernier mot" et n'arrête pas de rabaisser son pochtron suicidaire de mari, est une géologue tentant en vain d'alerter les autorités au sujet de l'activité sismique inquiétante du volcan endormi surplombant la ville; le fils est un ado tête à claques qui part, sans prévenir personne, faire une randonnée avec ses amis au sommet du volcan (p'tit con, va !); comme vous l'avez déjà deviné, le père prouvera à sa femme et à son fils qu'il tient à eux plus que tout et qu'il est un véritable héros en les sauvant tous du péril, dans une rédemption finale comme Hollywood en raffole.
L'alcoolique dépressif le plus bodybuildé du monde (Jason Scott Johnson, artiste martial confirmé, qui jouait aussi dans "Reptilicant").

L'actrice, productrice, mannequin, journaliste et philosophe Tina-Desiree Berg, fidèle de Cine Excel et grande habituée des rôles olé-olé (voir "Bikini Hotel"), déclara sur le ton de la rigolade à propos de ce rôle de mère de famille : "J'ai apprécié l'opportunité de garder mes vêtements pour une fois et de ne pas avoir à me trimballer toute nue sur le plateau pendant que les gars de l'équipe mataient mes nichons."A côté de nos héros, nous avons les personnages secondaires/chair à canons de service, dont un vieil Amérindien mystique (forcément mystique !) qui prévient les visages pâles que la prophétie se réalise et que le Grand Manitou en colère est sur le point de faire pleurer la montagne des larmes de feu, entre autres fadaises du même genre, que seul un Natif Américain de cinéma peut débiter avec le plus grand sérieux du monde. Il y a aussi un sénateur rond-de-cuir de passage dans la ville, ainsi que l'indispensable maire véreux, qui se double dans le film d'un
capitaliste nanar, lequel n'a aucun mal à dissuader le mou sénateur de prêter la moindre attention aux mises en garde de l'héroïne, une hystérique qui préconise de faire évacuer la ville à la veille de la fête nationale, ce qui aurait des conséquences calamiteuses pour le business, alors qu'il n'y a vraiment aucune raison de s'alarmer (vous avez tous les jours des gens qui meurent, ma bonne dame).


Le maire, qui cabotine tellement les signes extérieurs de méchanceté qu'on se demande comment il a été élu. Euh, enfin ouais mais non, les Américains ont élu Donald Trump, alors mettons que je n'ai rien dit...Nous avons aussi la vieille némésis de notre héros, son ancien subalterne dans la marine, qui l'avait poussé à bombarder les civils parce que c'étaient les ordres. Ce militaire teigneux et grimaçant ne peut pas piffrer le héros et se trouve être à présent le gradé en charge des opérations de sauvetage quand le volcan entre en éruption (vous en faites pas, le héros lui mettra un gros pain dans la figure). Deux belles têtes de lards, incroyablement bêtes et en mode "surjeu intensif". Il va sans dire que tous deux mourront victimes de leur propre stupidité (laquelle, je le répète, bat vraiment des records), tandis que périront aussi quelques rôles secondaires gentils et autres figurants, histoire de fournir le quota de scènes d'émotion, et surtout d'effets spéciaux magnifiquement foireux.








Le mémorable Johnny Lawson, également à l'affiche de "The Abominable" et de "Internetrix".Car davantage que le catalogue de poncifs caricaturaux que constitue le scénario (mais pas bien pire que les scripts de certains films catastrophe à gros budget) ou que le jeu des acteurs qui oscille entre le correct et le franchement mauvais (mention spéciale aux deux méchants), tout le charme de
Magma: Earth's Molten Core vient de sa volonté, très louable, de tout montrer, plutôt que de suggérer ou de
meubler éhontément, comme le ferait un banal
DTV de chez
The Asylum. Sauf que le problème avec Cine Excel, c'est qu'il n'ont rien, mais vraiment rien du tout à montrer. Alors, comment faire ? C'est là que ça se corse. Vous aussi vous n'avez pas un radis mais vous rêvez de tourner votre blockbuster façon Roland Emmerich ou Michael Bay ? Cine Excel vous donne les bons tuyaux pour épater le grand public, qui n'y verra que du feu. N'hésitez pas à le refaire chez vous...
Une superbe chute de mannequin en mousse numérique.

Cine Excel, la boite de prod tellement à la rue qu'ils n'ont même pas eu les moyens de filmer la façade d'une vraie clinique médicale et ont été obligés d'en faire une avec Paint !

Idem pour cette façade de bâtiment officiel.



Un hélicoptère jouet recyclé pour décorer le bureau du ponte de Washington.Qui dit film catastrophe dit foules de figurants hurlant de terreur au milieu du chaos. Mais comment s'y prendre ? Facile ! Faites comme Dom Magwili, recrutez des enfants et leurs parents à la sortie d'un club de gym en leur demandant si ça les brancherait d'apparaître dans un film de cinéma (réponse enthousiaste assurée) et demandez-leur de courir dans la rue en jouant la panique devant la caméra. Vos plans pourront même être
recyclés dans un film de monstre géant. Vous faites un film sur une éruption volcanique mais n'avez pas de volcan sous la main ? Pas grave ! Quelques stock-shots pourraves de documentaires sur les volcans, des films d'entreprise avec des destructions d'immeubles, des images d'actualité sur les feux de forêt (c'est pas ça qui manque ces temps-ci), quelques fumigènes pour simuler les fumeroles et autres vapeurs toxiques au besoin, retouchez le tout avec de la lave en CGI moche, et voilà le travail. Vous voulez une scène choc où un personnage est englouti vivant dans la lave ? Demandez à votre interprète de s'asseoir au sommet de deux tables pliantes, posées en équilibre l'une sur l'autre, cadrez seulement le haut de son corps et faites-le basculer, en rajoutant au montage votre coulée de lave numérique !



Du grand spectacle à portée de toutes les bourses.

Un blue screen qui ferait presque illusion si l'éclairage était raccord.Il vous faut des séquences de sauvetage en hélicoptères ? Pas de lézard ! Prenez tous les stock-shots d'hélicos qui vous tombent sous la main, au besoin n'hésitez pas à filmer vous-même à la sauvette un hélicoptère de l'armée passant dans le ciel, filmez vos acteurs à l'intérieur d'un pick-up dont le fond sera customisé avec des housses en mousse, mettez-leur un casque et une oreillette sur la tête, faites trembloter l'objectif de votre caméra, ajoutez des bruits de pales au montage, et c'est dans la boite. Vous devez aussi filmer une scène se déroulant dans un sous-marin ? Décorez votre garage avec plein de vieux ordinateurs, tout un bric-à-brac qui fera office de tables de contrôle et d'écrans radars, fixez au plafond un tuyau qui fera office de périscope, pas grave si le mur et le sol sont en béton, vous n'aurez juste qu'à cadrer serré, et ajoutez au montage quelques stock-shots et un sous-marin en images de synthèse. Idem si vous voulez tourner une scène dans un porte-avion de l'U.S. Navy, le combo stock-shots + CGI + garage est toujours gagnant.
Le bord de casquette au premier plan, c'est tellement mignon. Y avait pas mieux en stock comme prise de vue ?

Plan 9 from Cine Excel.



Quelques stock-shots flous montés de manière aléatoire et un comédien avec un casque qui fait semblant de... Si ça a marché en Turquie, y'a pas de raison que ça fonctionne pas ailleurs.


La magie de Cine Excel.Outre la candeur réjouissante des effets spéciaux, le film est pimenté par un autre élément révélé par Domingo Magwili dans
l'interview qu'il a gentiment accordé à l'équipe de Nanarland, à savoir ces moments où le monteur s'est aperçu qu'il manquait des plans et a dû ruser pour faire tenir l'histoire à peu près debout. Cela nous vaut de nombreuses ellipses déstabilisantes et des rebondissements surprenants. Ainsi, cette scène où le héros pénètre dans une base militaire (dont tout le décor se limite à un pauvre portail de garage) et dérobe on ne sait trop comment un sous-marin (apparemment, la sentinelle s'en va faire pipi). Un peu après, le méchant militaire sort de nulle part braquer son flingue sur notre héros après s'être téléporté comme par enchantement depuis son porte-avion jusqu'à l'intérieur du sous-marin immergé au fond de l'océan ! C'est la magie du cinéma. De toute façon, il faut s'attendre à tout dans un film dont le héros lance un déterminé
"We've got to kill this volcano!" avant de faire péter la face au volcan à coups de missiles en CGI dignes d'un jeu vidéo des années 90, solution radicale et efficace contre les éruptions volcaniques (ça se passe comme ça dans la vraie vie, on vous l'assure !).
Un drapeau, un casque, un semblant d'uniforme... Voilà votre base militaire de la marine.

Notre héros et son sidekick chipant un sous-marin nucléaire.


Cine Excel présente son remake de "Sauvez le Neptune".


Et maintenant, voici notre grand jeu : arriverez-vous à deviner laquelle de ces deux images est un stock-shot ?Magma: Earth's Molten Core est un bon nanar, qui n'a pas du tout les moyens de ses ambitions mais se révèle bien plus généreux en moments de bravoure que certaines productions plus fortunées. Les gars de Cine Excel avaient certes un gros sens du marketing et de l'opportunisme commercial inversement proportionnel à leur sens de la mise en scène, mais c'était aussi des rêveurs, des passionnés, des gens qui aiment sincèrement le cinéma populaire. Ils avaient juste tendance à faire un peu n'importe quoi à chaque fois qu'une caméra leur tombait sous la main. Gloire à eux !





Un morceau de bravoure directement emprunté à "Mystérieuse Planète".Pour conclure, je laisse le mot de la fin à John Nada, qui résumait parfaitement le film sur le forum :
"Magma: Earth's Molten Core", c'est vraiment fauché, vraiment mauvais... tellement Cine Excel quoi. Y a vraiment un gap énorme avec la période "Future War". Magma, c'est un film catastrophe fait avec rien du tout : quelques acteurs non-payés filmés dans un cagibi, des stock-shots de 3e choix, des effets spéciaux qui feraient pouffer de rire Isaac Nabwana et le public ougandais... la misère absolue. L'image est moche, le son dégueulasse. Ce film, c'est presque une (mauvaise) blague.
Mais comment font-ils ?Note : 3/5
Cote : 6 / IntrouvableDavid Huey semble avoir réussi à vendre le film en DVD en Russie. Il a été un temps disponible sur Prime Video mais a depuis été retiré de leur catalogue. Bref, c'est coton de le dénicher par des moyens légaux, celui-là... Quant aux moyens illégaux, nous nous refusons bien entendu à tout commentaire.
